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Sabil al-Iman (n°60) - La Rouqia, entre spiritualité et dérives commerciales



La Rouqya char’iyya, ou guérison spirituelle musulmane, est une pratique spirituelle basée sur la récitation de versets coraniques et d’invocations prophétiques pour protéger et guérir les maux spirituels et physiques. Elle repose sur une croyance fondamentale : c’est Allah qui guérit, et non l’individu qui récite. Toutefois, en France, la Rouqya a parfois pris un tournant inquiétant, donnant lieu à des abus financiers, des pratiques douteuses et même des dérives sectaires. Il est donc crucial de revenir aux sources authentiques et de poser un cadre éthique clair. Mais la Rouqya est-elle exclusive à l’islam ? D’autres traditions religieuses ont-elles aussi des formes de soins spirituels ? Quels sont les principes fondamentaux à respecter pour préserver l’intégrité de cette pratique ?


La Rouqya et les soins spirituels chez les autres religions


Bien que la Rouqya soit une spécificité islamique, l’idée de guérison par des textes sacrés existe également dans d’autres religions monothéistes :

  • Dans le christianisme, il existe des prières de délivrance et des exorcismes réalisés par des prêtres. Ces pratiques s’appuient sur des passages de la Bible, notamment dans les Évangiles où Jésus chasse les démons (Marc 5 :8).

  • Dans le judaïsme, certaines bénédictions et récitations de psaumes sont utilisées pour demander la guérison et la protection divine. La Kabbale comprend aussi des pratiques spirituelles visant à repousser le mal.


Ces traditions montrent que la quête de protection spirituelle est universelle. Toutefois, l’islam insiste sur un principe fondamental : la Rouqya ne doit contenir que du Coran et des invocations prophétiques authentiques, sans association à d’autres croyances ou pratiques mystiques.


Exemples de dérives en France


Un business au détriment de la foi


En France, la Rouqya est parfois devenue un commerce lucratif. Certains raqis facturent des séances à des prix abusifs (100 € à 300 € par séance), voire imposent plusieurs séances sous prétexte d’un traitement « complet ».


De plus, certains vendent de l’eau « bénite » à des tarifs exorbitants ou proposent des talismans et des pierres censées repousser la sorcellerie. Or, ces pratiques n’ont aucun fondement islamique et relèvent plus du charlatanisme que de la foi.


Des pratiques douteuses et dangereuses


Certains faux raqis utilisent des méthodes interdites et contraires aux principes de l’islam.

  1. Le contact physique inapproprié : un raqî ne doit jamais toucher une femme étrangère, même sous prétexte de Rouqya. Le Prophète (paix et salut sur lui) a dit : « Il vaut mieux pour l’un d’entre vous qu’on lui plante une aiguille de fer dans la tête que de toucher une femme qui ne lui est pas permise.» (Rapporté par At-Tabarani).

  2. Demander le nom de la mère : c’est une pratique suspecte souvent associée à la magie noire. Un vrai raqî ne pose jamais cette question.

  3. Utiliser des paroles incompréhensibles ou des pratiques étranges : certains murmurent des incantations dans une langue inconnue ou demandent des objets personnels (cheveux, vêtements…). Cela est un signe de sorcellerie et non de Rouqya authentique.


Ce que dit la loi française


En France, la loi protège contre ces abus :

  • L’exercice illégal de la médecine est puni par le Code de la santé publique (article L4161-1). Un raqî ne doit pas se substituer à un médecin, ni empêcher une prise en charge médicale.

  • L’abus de faiblesse (article 223-15-2 du Code pénal) peut être sanctionné si un praticien exploite la vulnérabilité d’une personne pour lui soutirer de l’argent.

  • Les dérives sectaires sont surveillées par la MIVILUDES, qui met en garde contre certaines pratiques ésotériques liées à la Rouqya.


Ce que dit la législation islamique


L’islam encadre strictement la Rouqya pour éviter les dérives :

  • Elle doit être gratuite ou moyennement rémunérée : le Prophète (paix et salut sur lui) a dit « Guérissez vos malades avec la charité. » (Rapporté par Al-Baïhaqi).

  • Elle ne doit contenir que du Coran et des invocations authentiques : pas d’amulettes, pas de formules secrètes.

  • Elle doit être faite avec sincérité et confiance en Allah : l’objectif est la guérison spirituelle, non un commerce.


La Rouqya peut être réalisée par soi-même


Un principe essentiel que beaucoup oublient : tout musulman peut pratiquer la Rouqya sur lui-même. Il n’est pas nécessaire de passer par un raqî, sauf en cas extrême.

Voici comment faire une Rouqya authentique chez soi :


  1. Lire Al-Fatiha, Ayat Al-Koursî, et les trois dernières sourates du Coran sur soi-même.

  2. Souffler dans ses mains et les passer sur son corps (comme faisait le Prophète avant de dormir).

  3. Lire sur de l’eau et en boire : l’eau coranisée peut être utilisée pour se laver ou asperger sa maison.

  4. Faire des invocations sincères en demandant la guérison à Allah.


Quelles solutions contre les dérives ?


Pour préserver la pureté de la Rouqya, voici quelques recommandations :

  • Former les musulmans : les mosquées et imams doivent enseigner la vraie Rouqya et mettre en garde contre les abus.

  • Encadrer les raqis : une certification éthique pourrait être mise en place pour garantir l’authenticité des pratiques.

  • Encourager la consultation médicale : une souffrance peut être psychologique ou physique. Un bon raqî doit savoir orienter son patient vers un médecin si nécessaire.


La Rouqya est un trésor spirituel, une lumière du Coran pour repousser le mal. Mais elle est aussi un domaine où l’ignorance et la cupidité ont parfois pris le dessus. L’islam enseigne que le Coran est un remède en lui-même, accessible à tous.


Pas besoin d’intermédiaires douteux, pas besoin de payer des fortunes. Allah est Le Guérisseur, et la Rouqya est un acte de foi, non un marché. Que chacun revienne à l’authenticité, à la simplicité du Coran et à la confiance en Allah. Car la vraie guérison, c’est celle du cœur avant tout.



*Article paru dans le n°60 de notre magazine Iqra.


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