Il y a de nombreux pionniers dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement, et il est source de fierté de mentionner leurs exploits, de diffuser leurs vertus et de tirer profit de leurs créations. Parmi ces pionniers se trouve le savant, l’érudit, Cheikh Abdelhamid Ben Badis (1889-1940), qui a jeté les bases de la renaissance intellectuelle en Algérie.
Issu d’une famille bourgeoise, il a accès à une éducation religieuses de qualité, ce qui lui a permis de voyager de Zaytouna à Tunis, à Médine en Arabie saoudite, où il rencontra Bachir Al-Ibrahimi, et où les deux passèrent des nuits blanches à parler de la triste situation de leurs pays. Une rencontre avec Cheikh Husayn Ahmed Al-Hindi bouleversa tous leurs projets, leur rappelant leurs devoirs vis-à-vis de leurs patries et de leur peuple.
Il incarne le réformateur révolutionnaire, le poète journaliste, le savant exégète, l'éducateur formateur et l'écrivain politique, parmi les pionniers du mouvement de réforme et de science en Algérie. Fondateur de l'Association des savants musulmans algériens, son nom est intimement lié aux Algériens à travers la science, célébré en commémoration de sa mort chaque 16 avril.
Ibn Badis a grandi dans un environnement scientifique, ayant mémorisé le Coran à l'âge de treize ans. Il a ensuite étudié sous la direction du cheikh Ahmed Abou Hamdan AlWanissi, l'un des premiers mentors qui ont eu une influence positive sur son orientation religieuse.
Ibn Badis n'oubliera jamais les conseils de ce cheikh : "Apprends la science pour la science, pas pour le métier". La personnalité d'Ibn Badis est profonde et complexe, et il est difficile de saisir tous ses aspects et ses impacts dans un espace restreint.
ll était à la fois un rénovateur et un réformateur, appelant à la renaissance des musulmans et sachant comment la réaliser. Il était un érudit exégète, ayant interprété l'intégralité du Coran au cours de vingt-cinq ans dans ses cours quotidiens, tout en expliquant également le Muwatta de L’imam Malik pendant cette période. Engagé politiquement, il écrivait dans les magazines et les journaux qu'il publiait sur la situation des musulmans, en particulier en Algérie, critiquant la France et ses méthodes coloniales, tout en expliquant les principes de la politique musulmane.
Avant tout cela, il était un éducateur qui s'était engagé à former les générations dans les écoles et les mosquées. Il a fondé des écoles et les a pris en charge, ce qui représentait l'une de ses œuvres les plus importantes. Il gérait également les affaires de l'Association des savants et supervisait la publication du journal Al-Chihab, tout en restant en contact constant avec la base populaire.
Ibn Badis : Précurseur de l'instruction des filles et Champion des droits des femmes
Selon Ibn Badis, pour que la société algérienne progresse vers la liberté, il faut transformer la vie des femmes, en les éduquant pour qu'elles remplissent leur rôle et en les instruisant dans la moralité féminine. Il insistait sur leur éducation et leur libération de l'ignorance, recommandant la chasteté, la gestion efficace du foyer et la compassion envers les enfants.
Il tenait les tuteurs et les savants responsables de leur ignorance, les chargeant de les éduquer dans les domaines religieux et nationaux. Dieu Tout-Puissant a dit : « En vérité, Allah ne change pas l'état d'un peuple tant qu'ils ne changent pas ce qui est en eux-mêmes. » (Sourate Ar-Ra'd, verset 11).
De là, L'Imam et le savant Ibn Badis figure parmi les précurseurs de l'appel à l'éducation des femmes, les considérant comme le socle fondamental sur lequel repose l'édification de la famille et de la société. Il affirmait que le savoir est le chemin permettant à la femme de susciter la vie au sein de sa communauté et de contribuer à son essor. Il parvint à convaincre les opposants de la nécessité d'accorder à la femme sa part de savoir, d'éducation et de la préparer intellectuellement et scientifiquement afin qu'elle puisse assumer son rôle au sein de la société. Il démontra qu'aucun texte religieux ne prohibait son éducation, soulignant plutôt que lui en priver constituait une injustice flagrante envers elle et envers la nation.
Il réfuta également les partisans de l'émancipation des femmes de leurs enseignements religieux et sociaux en faisant valoir que celles-ci étaient la cause de leur retard : "Si vous souhaitez réellement leur apporter une réforme authentique, levez le voile de l'ignorance qui obscurcit leur esprit avant de retirer celui qui couvre leur visage. Car c'est le voile de l'ignorance qui les a retardées, tandis que le voile de la pudeur ne leur a causé aucun préjudice à une époque où les filles de Cordoue et de Béjaïa ont atteint une position éminente dans le domaine de la connaissance tout en étant voilées."(Al-Shihab, Vol.10, Novembre 1929)
C’est ainsi que Le Cheikh, le savant, considérait que l'éducation des femmes était l'une des conditions essentielles pour former des hommes pieux capables d'assumer des responsabilités. Il disait : « Si nous voulons former des hommes, nous devons former des mères religieuses. Il n'y a pas d'autre moyen que d'enseigner aux filles une éducation religieuse et de les élever dans une culture musulmanes. Si nous les laissons dans leur ignorance religieuse, il est impossible d'espérer qu'elles élèvent des hommes de valeur pour nous ». Et il dit aussi : « Enseigner « apprendre » à un garçon, c’est enseigner à un individu, mais enseigner à une fille, c’est enseigner à une nation tout entière ». Ibn Badis incarne le parfait exemple du savant enraciné dans le savoir, proche du peuple et conscient des priorités du moment.
Il a donné sa vie pour la liberté et l’éducation, si il n’a pas vu de son vivant les fruits de son sacrifice, nous les voyons clairement aujourd’hui et nous lui sommes tous un peu redevable. Malek Haddad disait « Au petit matin de novembre 54, il n’y eut pas seulement le fusil, il y eut d’abord le verbe ! ». Bien que mort son exemple toujours vivant nous enseigne que l’idéal qui était le sien doit demeurer le nôtre et le rappel de son œuvre nous montre la voie à suivre.
Pour finir, Abdelhamid Ben Badis restera « l’imam du siècle », comme l’argumente un hadith, où Le Prophète (paix et bénédiction sur lui) cite un hadith : “Dieu envoie à la communauté tous les cent ans, quelqu’un qui lui renouvelle sa religion”, le renouvellement dans le sens du renouveau et non de l’innovation, dans le sens du nouveau souffle qui pousse vers l’avant. Paix a ton âme O grand imam et réformateur que tu étais, toi Abdelhamid-Ibn-Badis.
Ses œuvres: Ibn Badis a laissé de nombreuses œuvres qui ont été publiées sous forme d'articles, de discours, de conférences et de poèmes dans des journaux tels que Al-Muntaqid, Al-Chihab, Al-Najah, Al-Shari'ah Al-Mutahharah, Al-Sunnah Al-Muhammadiyyah et Al-Basa'ir.
*Article paru dans le n°16 de notre magazine Iqra
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