Regard fraternel (n°53) - L’eau, souffle divin et lien sacré entre les religions
- Nassera BENAMRA
- il y a 31 minutes
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Depuis les débuts de l’humanité, l’eau a été bien plus qu’un simple besoin vital. Elle a façonné les civilisations, inspiré les légendes, rassemblé les peuples autour des sources, des rivières et des fontaines. Dans presque toutes les cultures, l’eau est célébrée pour ce qu’elle représente. Elle représente la vie, la purification, la transformation, mais aussi parfois la destruction et le recommencement. L’absence d’eau peut tuer, son excès peut engloutir, mais dans son équilibre, elle soigne, elle relie, elle fait renaître.
L’eau, mémoire spirituelle partagée
Les traditions religieuses du monde entier n’échappent pas à cette réalité dont l’eau y occupe une place centrale, tantôt sacrée, tantôt thérapeutique, mais toujours symbolique. Dans les trois religions monothéistes, à savoir le judaïsme, le christianisme et l’islam, elle est un vecteur de purification et un pont vers le divin. Se laver avant la prière, s’immerger pour renaître à une vie nouvelle, asperger pour bénir ou pour dire adieu, l’eau accompagne les moments charnières de l’existence. Elle est au cœur des rituels, des croyances populaires et des gestes quotidiens.
Dans cet article, nous verrons comment chaque tradition religieuse fait de l’eau un symbole puissant de passage et de régénérescence. Nous nous attarderons tout particulièrement sur l’usage spirituel et thérapeutique de l’eau dans l’islam, à travers les pratiques de la Rouqia, cette lecture coranique souvent accompagnée d’eau bénite, utilisée pour soigner les maux du corps et de l’âme. Nous évoquerons aussi les correspondances et les différences avec les pratiques similaires dans le judaïsme et le christianisme. Car au fond, l’eau, dans toutes ses formes, semble relier les hommes autant qu’elle les purifie.
L’eau : purification spirituelle et bienfaits thérapeutiques dans les trois religions monothéistes
Chaque religion, chaque tradition spirituelle accorde à l’eau une valeur sacrée singulière. Il existe toujours une eau bénie, parfois naturellement sacrée, parfois rendue spéciale par un rite, censée purifier les âmes et guérir les corps. Elle interprète un mystère de bénédiction et de guérison. On dit que le mythe d’une naissance aquatique de la vie est une idée récurrente dans toutes les civilisations anciennes comme dans les religions monothéistes.
L’eau, en plus de ses significations spirituelles, possède des bienfaits thérapeutiques notables. Dans le Coran, Allah (SWT) dit dans la sourate Al-Anfål (8:11) : « Lorsque le sommeil vous envahit, pour vous apporter une sécurité de Sa part, et Il fait descendre sur vous de l’eau du ciel pour vous purifier, éloigner de vous la souillure du diable, fortifier vos cœurs et affermir vos pas». Cette mention de l’eau n'est pas seulement liée à la purification spirituelle mais aussi à un bienfait physique et psychologique.
L’eau possède des propriétés curatives reconnues. Récemment, l’Association japonaise de lutte contre les maladies a publié une étude soulignant l'efficacité de l'eau pour traiter de nombreuses affections. Les résultats indiquent qu'elle aide à traiter des problèmes du système circulatoire tels que les migraines, l'hypertension, l'anémie, les douleurs articulaires, le rachitisme, les palpitations, l'épilepsie, ainsi que des troubles respiratoires comme la toux, les bronchites, la tuberculose et la méningite. Elle contribue également à traiter des maladies du système digestif, des troubles menstruels, des maladies oculaires, et des affections liées aux oreilles, au nez et à la gorge. Un manque d’eau dans le corps peut entraîner des symptômes tels que maux de tête, insomnie, indigestion et constipation. En cas de déshydratation sévère, le corps devient vulnérable, et des signes de vieillissement apparaissent, notamment des rides sur la peau.
- Dans l’islam
Dans l'Islam, l'eau est symboliquement importante, étant mentionnée dans le Coran comme essentielle à la vie, et utilisée dans les rituels de purification avant la prière. L'eau est également utilisée dans les traitements thérapeutiques, avec des études montrant ses effets bénéfiques pour la santé physique et mentale. Dans le Coran, l'eau est décrite comme étant à l'origine de toute vie et est utilisée pour des bienfaits variés tels que la consommation, l'irrigation, la purification et la croissance des plantes. L'eau a une dimension sacrée, présente dans de nombreuses pratiques religieuses et rituels islamiques. Il est aussi souligné que l’eau de Zamzam joue un rôle thérapeutique reconnu. Cette source d'eau, selon la tradition islamique, a des vertus miraculeuses, apportant à ceux qui la boivent guérison et bien-être. Le prophète Mohamed (paix et bénédictions sur lui) a lui-même vanté les bienfaits.
- Dans le christianisme
Dans la foi chrétienne, elle est utilisée pour le baptême, symbolisant la purification des péchés, l’eau bénite est de l’eau consacrée par un prêtre, utilisée pour les bénédictions, les baptêmes et la purification. Elle occupe une place incontournable dans les églises, notamment lors de l’Eucharistie où le prêtre se lave les mains.
La fête de l’Épiphanie, ou fête du Baptême du Christ, célébrée le 6 janvier, rappelle le baptême de Jésus dans le Jourdain. Les pratiques diffèrent selon les confessions, les orthodoxes plongent le corps entièrement trois fois, tandis que les catholiques se contentent de l’asperger d’eau.
L’eau est aussi liée à la Source de Marie, ou Fontaine de la Vierge. C’est un puits situé à Nazareth (An.nacira). Selon une tradition ancienne, c’est là que Marie puisait de l’eau et que l’ange Gabriel lui aurait annoncé la naissance de Jésus. Au temps des Croisés, une église orthodoxe était construite sur la source, et l’accès est limité pour préserver le calme et la sainteté du lieu.
- Dans le judaïsme
Dans le Judaïsme, elle a une place de choix dans les rituels de purification des péchés. L’eau est un symbole de pureté et de renouveau spirituel. Pour sortir d’un état d’impureté (après un contact avec la mort, la maladie, ou d'autres situations), l’immersion dans un mikvé (bassin rituel) est indispensable.
L’eau symbolise aussi la vie nouvelle : celui qui s’immerge est comparé à un mort, et en ressort comme une créature nouvelle et purifiée. Le mot mikvé apparaît dès la Genèse pour désigner le rassemblement des eaux, donnant à ce rituel une dimension cosmique et spirituelle.
Il ne faut pas qu’on oublie que des chercheurs comme Masaru Emoto ont exploré la manière dont l'eau réagit aux émotions humaines, révélant que les molécules d'eau changent de structure en fonction des émotions et des mots prononcés. De plus, des études sur l'impact des mots sacrés, comme les noms d'Allah, ont montré des effets positifs sur le bien-être et la santé, suggérant que l'eau, à travers sa connexion avec les sentiments et les intentions humaines, peut jouer un rôle dans le processus de guérison.
*Article paru dans le n°60 de notre magazine Iqra.
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