Regard fraternel (n°52) - Coexistence religieuse dans le monde arabe : l'exemple de l'Égypte et du Liban
- Nassera BENAMRA
- il y a 2 heures
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Dans un monde souvent marqué par des tensions religieuses, certains pays arabes offrent des exemples extraordinaires de coexistence entre musulmans et chrétiens. Deux modèles illustrent particulièrement cette harmonie, il s’agit de l’Égypte, où la participation des coptes aux célébrations musulmanes s’inscrit dans une tradition séculaire, et le Liban, qui a officialisé le 25 mars comme fête nationale islamo-chrétienne en hommage à la Sainte Marie (Maryam).
Une tradition enracinée en Égypte : les coptes et les fêtes musulmanes
Depuis l’arrivée de l’islam en Égypte en 641, les chrétiens coptes ont maintenu des liens étroits avec leurs compatriotes musulmans, notamment à travers les fêtes religieuses. À l’occasion de l’Aïd El-Fitr et de l’Aïd El-Adha, il est courant que les coptes échangent des vœux et participent aux festivités avec leurs voisins musulmans. Cette coutume s’est transmise de génération en génération, devenant un élément central du tissu social égyptien.
Sous différentes dynasties, des Fatimides aux Mamelouks en passant par l’Empire ottoman, cette interaction interconfessionnelle a perduré malgré des périodes de tensions. Au XXe siècle, avec la montée des mouvements nationalistes, l’unité entre musulmans et chrétiens a pris une dimension encore plus forte, les célébrations communes devenant un symbole de cohésion sociale.
Au-delà de l’échange de vœux, cette participation aux festivités traduit une volonté de partage et de compréhension. Des repas sont souvent préparés et partagés entre familles musulmanes et coptes, et il n’est pas rare de voir des commerçants coptes offrir des douceurs aux musulmans durant l’Aïd. Ces pratiques renforcent les liens sociaux et témoignent d’un respect réciproque ancré dans la culture égyptienne.
Le Liban : un modèle moderne de coexistence interreligieuse
Alors qu’en Égypte, la coexistence religieuse s’exprime à travers des traditions populaires, le Liban a fait le choix de lui donner une reconnaissance officielle. Depuis 2010, le 25 mars, le jour de l’Annonciation, est célébré comme une fête nationale islamo-chrétienne.
Cette initiative unique au monde repose sur un élément commun aux deux religions, la figure de Maryam la Sainte, vénérée aussi bien par les musulmans que par les chrétiens. Chaque année, des rassemblements et des prières réunissent les fidèles des deux confessions, renforçant un esprit d’unité dans un pays marqué par la diversité religieuse. Cette célébration, au-delà de son aspect spirituel, se veut un message d’espoir dans un contexte politique et économique souvent difficile.
Au Liban, les sanctuaires dédiés à Marie deviennent des espaces de prière partagés, où musulmans et chrétiens se retrouvent pour honorer une figure qui dépasse les clivages religieux. Des événements interconfessionnels sont organisés, mêlant débats, concerts et actions caritatives, afin de renforcer le dialogue entre les communautés.

Un héritage précieux à préserver
L’exemple égyptien et l’initiative libanaise montrent que la coexistence entre musulmans et chrétiens n’est pas un idéal lointain, mais une réalité vivante dans certaines sociétés arabes. Cependant, ces traditions et ces initiatives doivent être protégées face aux défis actuels, qu’ils soient liés au radicalisme ou aux tensions sociales.
L’une des menaces pesant sur cette coexistence est la montée des discours extrémistes qui cherchent à opposer les communautés. Certains groupes, influencés par des idéologies extrémistes, tentent de remettre en question ces pratiques de partage et de dialogue, mettant en péril un équilibre séculaire.
Encourager les échanges culturels, promouvoir l’éducation au dialogue et valoriser ces expériences réussies peut contribuer à renforcer la tolérance et la solidarité interreligieuse. Les médias, les institutions éducatives et les leaders religieux ont un rôle important à jouer pour transmettre cet héritage et en assurer la pérennité. Ces modèles de coexistence offrent une source d’inspiration précieuse.
L’histoire nous montre que, malgré les défis, des traditions de respect et de fraternité ont réussi à perdurer. Leur préservation dépend aujourd’hui de l’engagement collectif des sociétés concernées à défendre les valeurs du vivre-ensemble et du dialogue interreligieux.
*Article paru dans le n°59 de notre magazine Iqra.
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