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Regard fraternel (n°47) - Le jeûne : acte de foi et de monothéisme


Le jeûne dépasse le cadre d'une seule religion et se retrouve dans de nombreuses traditions, qu'elles soient monothéistes, humanistes ou ancestrales. Il est pratiqué dans le judaïsme, le christianisme, l'islam, le bouddhisme et l'hindouisme, mais aussi dans les croyances des Mayas, des Aztèques et des peuples autochtones d'Australie. Certaines communautés non religieuses y ont recours pour des raisons écologiques, spirituelles ou de bien-être. Il existe également un jeûne thérapeutique, recommandé par la médecine sous différentes formes, comme le jeûne intermittent ou la restriction alimentaire, désormais intégré à de nombreux régimes visantla santé physique et mentale.


Le jeûne dans les religions monothéistes


Le jeûne, en tant que concept et pratique spirituelle, trouve son origine dans la prescription divine, qui l'avait déjà imposé aux nations précédentes. Comme l'affirme le verset coranique :


« Ô vous qui avez cru, le jeûne vous a été prescrit comme il l'a été à ceux qui vous ont précédé, afin que vous atteigniez la piété. »

SOURATE BAQARA, VERSET 183


Le jeûne, prescrit par les lois divines depuis l'Antiquité, est un rituel profondément enraciné dans l'histoire de l'humanité. S'il est vrai que certaines pratiques de jeûne existaient déjà chez les peuples païens, témoignant de leur ancienneté et de leur ancrage dans la culture humaine, il est encore plus légitime de es retrouver chez les adeptes des religions monothéistes. Dans ces traditions, le jeûne ne se limite pas à une simple privation physique mais il revêt une dimension spirituelle et éthique, visant à renforcer le lien entre l'individu et le divin, à favoriser la purification de l'âme et à rappeler la condition des plus démunis.


Bien que ces religions subissent des altérations et des modifications au fil du temps, elles ont généralement conservé leurs rites fondamentaux, notamment le jeûne. En effet, si les transformations ont souvent affecté les doctrines et croyances centrales, pour des raisons complexes qui ne sont pas l'objet de cette analyse, les pratiques rituelles ont, quant à elles, perdues, s'intégrant aux traditions et coutumes des sociétés à travers les âges. Malgré les différences dans les modalités et les périodes de jeûne entre les diverses confessions, ce rituel demeure une constante universelle, témoignant de sa profonde signification spirituelle et de son rôle essentiel dans la vie religieuse des croyants. Il sert à renforcer les valeurs de solidarité, d'humilité et de gratitude, tout en offrant un espace de réflexion et de communion avec le divin, permettant aux individus de se reconnecter à eux-mêmes.


Les spécificités du jeûne chez les abrahamiques


À travers les trois croyances monothéistes, les méthodes et les raisons du jeûne varient. Bien que ses rites et ses motivations diffèrent d'une religion à l'autre, les objectifs spirituels et sociaux du jeûne demeure un moyen de purification de l'âme, de discipline personnelle et de rapprochement avec le divin.


Dans le judaïsme


Les Juifs considèrent que leur pratique du jeûne remonte à l’époque du prophète Moïse (paix sur lui). Leur calendrier comprend six jours de jeûne par an, durant lesquels ils s’abstiennent non seulement de nourriture, de boisson et de relations conjugales, mais aussi de bain, de changement de vêtements, de parfum, de lavage des dents, du port de chaussures en cuir et du travail. Il existe deux types de jeûne : le grand jeûne, qui s’étend de la veille au coucher du soleil jusqu’au lendemain soir, et le petit jeûne, qui dure du lever au coucher du soleil.


Les jours de jeûne juifs sont généralement associés à des événements marquants de leur histoire. Par exemple, le 13 novembre (jeûne de Guedalia) commémore l’assassinat du gouverneur de Urshalim, tandis que le 10 Tevet (calendrier hébraïque) rappelle le début du siège de Urshalim par Nabuchodonosor. Le 13 mars (jeûne d’Esther) est lié à la fête de Pourim, célébrant la délivrance des Juifs du massacre planifié par Hamann. Le plus important des jeûnes est celui de Kippour (Jour du Grand Pardon), observé dix jours après Rosh Hashana (le nouvel an juif). Il dure 25 heures d’affilée et est consacré à la prière et à la repentance. Ce jour-là, les fidèles se rendent en grand nombre au mur des lamentations. Yom Kippour est d’ailleurs le seul jour de jeûne explicitement prescrit dans la Torah.


Dans le christianisme


Dans la tradition chrétienne, le jeûne a été instauré par l’Église et varie selon les confessions. Toutes s’accordent sur une période de 40 jours avant Pâques, qui s’est ensuite allongée à six semaines. Les catholiques et orthodoxes observent un grand jeûne de 50 à 55 jours, avec abstinence de viande, de produits laitiers et d’œufs certains jours. Chez les protestants, le jeûne est laissé à la liberté individuelle. Le jeûne chrétien, bien que non obligatoire, est lié à la repentance et à la sincérité, comme l’enseigne Jésus dans Matthieu 6 : 16-18 : « Quand vous jeûnez, ne prenez pas un air sombre… ».


L’épisode de la Tentation du Christ souligne le rôle du jeûne comme un outil particulièrement efficace pour lutter contre les puissances maléfiques. Cette pratique ascétique est d’autant plus efficace si elle est utilisée en même temps que la prière, afin de convoquer la grâce divine.


En islam


En Islam, le jeûne consiste à s’abstenir de manger, boire et avoir des relations conjugales de l’aube au coucher du soleil, par dévotion. Bien plus qu’une simple privation, il est un exercice d’endurance, de maîtrise de soi et de piété, renforçant la conscience de Dieu et l’autodiscipline.


Sur le plan collectif, le jeûne favorise l’union, la solidarité et la justice sociale. Il développe l’empathie envers les plus démunis et encourage à la charité. Outre le jeûne du mois de Ramadhan, qui est une obligation, certains jeûnes sont particulièrement recommandés :


  • Le jour d’Arafat (9 Dhou al-Hijja) : Le Prophète a dit : « Jeûner ce jour expie les péchés de l’année passée et de l’année à venir » (Mouslim)

  • Le jour d’Achoura (10 Mouharram) : Il expie les fautes de l’année écoulée, et le Prophète recommandait d’y ajouter le 9e jour.

  • Les six jours de Chawwal : Selon le Prophète : « Celui qui jeûne Ramadhan puis six jours de Chawwal, c’est comme s’il avait jeûné toute l’année » (Mouslim).


Le jeûne en Islam ne se limite pas à une privation physique, mais vise à purifier l’âme, à se rapprocher de Dieu et cultiver la bienveillance envers autrui.


Dans l’Islam, toutes les actions des êtres humains leur apportent des bénéfices personnels, tandis que le jeûne est spécifiquement dédié à Dieu. Cette distinction souligne l’unicité du jeûne, considéré comme un acte d’adoration pur, pour lequel Dieu promet une récompense unique. Il incarne une relation intime entre le croyant et son Créateur, reflétant la sincérité et la dévotion du fidèle.


Le jeûne, bien qu’il varie considérablement dans ses formes et significations à travers les trois croyances, crée des liens entre les fidèles des trois grandes religions monothéistes. Dans le judaïsme, le christianisme et l’islam, il est non seulement un acte de dévotion personnelle mais aussi un moyen de purification spirituelle et de développement de la solidarité sociale. Chaque tradition lui confère une importance unique, tout en partageant des objectifs communs tels que l’autodiscipline, la compassion et la justice. Le jeûne, à travers ses spécificités, révèle des valeurs fondamentales qui unissent ces traditions dans leur quête d’une vie spirituelle enrichissante et d’un engagement envers autrui.


*Article paru dans le n°54 de notre magazine Iqra.



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