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“Le mahométisme peut entrer, sans effort et sans peine, dans un système de liberté religieuse et civile ; […] il a l’habitude de vivre en paix et en harmonie avec les cultes chrétiens. […] On peut, dans la civilisation européenne, […] lui laisser sa place à la mosquée, et sa place à l’ombre ou au soleil.”
ALPHONSE DE LAMARTINE - 1853
En octobre 2024, les fidèles des Mercredis du Savoir, initiés par la Grande Mosquée de Paris, ont été invités à explorer la relation singulière entre Lamartine et l’Islam. À travers une conférence de Louis Blin, qui présentait son récent ouvrage, intitulé Lamartine passeur d’Islam, l’auditoire a découvert un aspect méconnu de la vie et de l’œuvre d’Alphonse de Lamartine, ce grand homme d’État et de lettres françaises. Rêvant d’une fusion entre l’Orient et l’Occident, Lamartine portait un regard pénétrant sur l’Islam, son Prophète ﷺ et les musulmans de son époque.
Ce qu’il faut savoir sur la vie et le parcours d’Alphonse de Lamartine
Né le 21 octobre 1790 dans la commune de Mâcon, Située entre Beaune et Lyon en France, Alphonse Marie Louis de Prat de Lamartine vient d'une famille aristocratique aisée. Durant la Révolution française, son père est emprisonné pendant la période connue sous le nom de «Terreur». À cette époque, Alphonse étudie au collège catholique des Jésuites et mène une vie confortable dans le château Malgré son origine noble, Lamartine soutient la Révolution française. Les changements de cette période, qui abolissent les privilèges de sa classe, ne l'empêchent pas de défendre les droits des pauvres et de réclamer l'abolition de l'esclavage. Il exprime aussi son opposition au règne de Louis-Philippe et devient l'un des chefs de la Révolution de 1848 contre ce dernier. Lamartine accède même à des fonctions dans le gouvernement révolutionnaire, devenant ministre des Affaires étrangères de la France, avant de se retirer de la vie politique lors du retour de Napoléon au pouvoir en 1852, pour se consacrer à la littérature et à l'art.
Dans les dernières années de sa vie, Lamartine devient pauvre, accablé par les dettes, et se retire dans l'isolement. Il travaille jour et nuit pour assurer sa subsistance. À sa mort en 1869, sa famille refuse des funérailles officielles, par crainte d'une récupération par les autorités en place. Lamartine s'en est allé, mais son œuvre littéraire et intellectuelle reste le symbole d'un âge florissant de la littérature française.
Lamartine et l’Orient, une histoire d’un cœur qui bas pour la Palestine
“On était parti homme, on revient philosophe.On n’est plus que du parti de Dieu. L’opinion devient une philosophie, la politique une religion. Voilà l’effet des longs voyages et des profondes pensées à travers l’Orient.”
ALPHONSE DE LAMARTINE - 1835
En 1832, Lamartine entreprit un voyage en Orient, caractérisé par sa capacité à examiner de nombreux détails, à raconter les faits et à consigner ses observations sans prétention de bravoure. Ce qui le lie aux autres voyageurs européens est son retour aux origines, ainsi que sa recherche des traces du christianisme à travers les monuments, les villes et les villages de Palestine. Lamartine nourrissait un rêve romantique pendant son voyage en Orient, et en Palestine en particulier, celui de « se baigner dans des mers de sable et de naviguer à bord du navire du désert».
Ce rêve prend vie lorsqu'il quitte Beyrouth pour la Palestine avec sa caravane, parcourant à cheval des routes sacrées, traversant collines, plateaux, montagnes et vallées, jusqu'à des lieux emblématiques comme Jéricho, Haïfa, le mont Carmel et enfin, Jérusalem, en quête des traces du Christ. Beyrouth, ville d'ancrage, devient son point de repère, où il revient à trois reprises. Son premier périple le mène de Beyrouth à Jérusalem, longeant la côte orientale de la Méditerranée avant de s'enfoncer vers l'intérieur des terres jusqu'à Jéricho (du 1er octobre au 5 novembre 1832).
En 1833, Lamartine poursuit son périple vers Damas, puis Istanbul, avant de rentrer en France. En 1850, près de vingt ans plus tard, il entreprend un deuxième voyage en Turquie et s'installe à Izmir, où il lance un projet agricole grâce à une parcelle de terre offerte par le sultan ottoman. Son deuxième itinéraire, plus court, le conduit jusqu'à Damas, du 18 mars au 1er avril 1833. Le troisième, du 5 au 12 ou 13 avril 1833, est une excursion aux célèbres cèdres du Liban et à Tripoli, avant un retour à Beyrouth. Par la suite, Lamartine et son équipage reprennent la mer jusqu'à l'escale de Jaffa, longeant les côtes de la Galilée avant de repartir pour Constantinople, en passant par Rhodes, Smyrne et les Dardanelles. Ils empruntent enfin un parcours terrestre qui les mène en Bulgarie puis en Serbie, clôturant ainsi le second voyage d’Orient.
Pourquoi Palestine ?
J'ai toujours aimé à parcourir
la scène physique des lieux habités par
les hommes que j'ai connus, admirés,
aimés ou révérés, parmi les vivants
comme parmi les morts. Le pays
qu'un grand homme a habité et préféré,
pendant son passage sur la terre,
m'a toujours paru la plus sûre
et la plus parlante relique de lui-même,
une sorte de manifestation matérielle
de son génie, une révélation muette
d'une partie de son âme, un commentaire
vivant et sensible de sa vie, de ses actions
et de ses pensées (…). Ainsi de plusieurs autres
écrivains ou grands hommes dont le nom ou les écrits
ont fortement retenti en moi. J'ai voulu les étudier,
les connaître dans les lieux qui les avaient enfantés
ou inspirés ; et presque toujours un coup d'œil
intelligent découvre une analogie secrète et profonde
entre la patrie et l'homme, entre la scène et l'acteur,
entre la nature et le génie qui en fut formé et inspiré.
VOYAGE EN ORIENT - 1835
De là, il en vient à parler du Christ, qui a choisi de vivre en Palestine, laissant sur cette terre une empreinte éternelle et indélébile. Il a visité le tombeau du Christ en terre Sainte. Malheureusement sa fille Julia mourut à Beyrouth le 6 septembre 1832. Quinze ans après la mort de Julie Charles, dix ans après celle de son fils Alphonse, et trois ans après celle de sa mère, Lamartine est de nouveau frappé par le deuil. Sa foi religieuse vacilla. Il hurla son chagrin, son désespoir et sa révolte contre Dieu dans Gethsémani ou la mort de Julia. Ces poèmes seront publiés en 1835 dans Voyage en Orient.
Lamartine homme d'État visionnaire
“La France est géographiquement, comme moralement, un pays de fusion et de contraste dans l’unité. […] Elle-même n’est plus qu’une grande mêlée de races, de sang, de langues, de mœurs, de législations, de cultes, qui fond tout ce qu’elle a de divers dans une lente et laborieuse unité. […] La diversité est donc le caractère essentiel et fondamental de la France nationale. […] C’est la pauvreté des autres ces nationales de l’Europe, de n’avoir qu’un caractère national ; c’est le génie, c’est l’aptitude, c’est la grandeur, c’est la gloire de la France, d’en avoir plusieurs.”
ALPHONSE DE LAMARTINE - 1853
Alphonse de Lamartine, poète et homme engagé, a connu une carrière politique marquée par des aspirations humanistes et des convictions libérales. En janvier 1833, il est élu député de Bergues, dans le Nord de la France. Cette élection, qu'il apprend alors qu'il est en voyage en Orient, marque ses premiers pas en politique.
Il rejoint finalement l'Assemblée en décembre de la même année, après son retour en France. En parallèle, il poursuit son œuvre littéraire et publiée en 1834 Les Destinées de la poésie. Son engagement politique évolue avec les années. En 1838, il devient député de Mâcon, sa ville natale, et prend progressivement des positions plus progressistes, se rapprochant de a gauche. La mort de son père en 1840 l'affecte profondément et l'amène à approfondir ses réflexions philosophiques et spirituelles. Il continue également à écrire, notamment Jocelyn.
Au fil du temps, Lamartine s'affirme comme un homme de conviction, devenant en 1848 l'un des chefs de file du mouvement révolutionnaire. Lors de la Révolution de février, il est nommé membre de la Commission du gouvernement provisoire et occupe le poste de Ministre des Affaires étrangères. À ce titre, il défend une politique modérée et humaniste, tout en promouvant les valeurs républicaines. L'un de ses actes les plus marquants est la signature du décret du 27 avril 1848, qui abolit l'esclavage dans les colonies françaises, un geste historique en accord avec ses caractéristiques de liberté et de justice sociale.
En 1834, alors que partisans et adversaires de la colonisation s'affrontent à la Chambre, Lamartine se prononce en faveur de la présence française en Algérie, au nom de la « civilisation ». Poète fameux, Alphonse de Lamartine (1790- 1869) fut aussi un homme politique engagé. C'est lui qui, le 24 février 1848, proclama la Seconde République devant l'Hôtel de ville de Paris.
Mais le destin lui réserva une fin amère. Ruiné et privé de ses biens, il se retrouve sans ressources, dépendant d'une aide de l'État qu'il accepte à contrecœur. Bien que reconnue pour son soutien à la Révolution de 1848, cette assistance étatique était perçue comme un reniement par certains révolutionnaires qui l'accusaient vivement, oubliant ses sacrifices et son engagement.
Le Regard de Lamartine sur l'Islam
“Fondre toutes ces croyances en une seule, réunir tous les Arabes sous une loi commune, et donner à ce peuple un nouvel élan, telle fut la tâche immense qu’entreprit le génie de Mahomet. Comment donc refuser un tribut d’éloges au créateur de tout ce que l’histoire musulmane offre de grand, de noble, de glorieux ? ”
ALPHONSE DE LAMARTINE - 1853
Lors de son voyage au Liban, en Syrie, en Palestine et à Jérusalem, il a rencontré des personnalités arabes avec lesquelles il a échangé autour de la poésie et de la littérature. C'est également au Liban, en 1838, qu'il a récité son poème épique La Chute d'un ange. Il peut être considéré comme le premier « passeur d’Islam » de la France contemporaine, avant même la naissance de ses deux amis d’Alexandre Dumas et Victor Hugo nés en 1802.
Ce politicien, qui avait soutenu la domination française en Algérie, a écrit lors de son voyage des observations dans son carnet sur l'islam, bien différentes de ses positions antérieures. Il a loué les vertus des musulmans, leur tolérance et leur respect, et exigea une révision de la perception de la foi islamique, affirmant qu'elle n'impose à l'homme que deux choses.
Alphonse de Lamartine, l'un des plus grands poètes de l'école romantique, présida le gouvernement provisoire après la révolution de 1848 en France. Il résida également à Izmir en Turquie, une expérience qui marque profondément son regard sur l'Orient. Bien qu'issu de la noblesse, il devint un fervent soutien de la révolution française, s'opposant aux privilèges aristocratiques.
Dans son ouvrage Histoire de la Turquie (1853), Lamartine affirme dans son livre que le Prophète Mohamed ﷺ n'a pas lutté pour la gloire impériale, mais pour une foi fondée sur l'unicité de Dieu, réalisant une religion sans images et un empire spirituel, selon ses propres termes.
Lamartine admire le courage de Mohamed ﷺ, sa résilience face à l'adversité, son détachement des ambitions matérielles, et surtout, sa conviction inébranlable. Selon lui, cette conviction a été le moteur de la révolution qu'il a portée. Cette révolution ne s'est pas limitée aux armes et aux empires, mais a embrasé des âmes et des croyances, créant un héritage spirituel immense. Le poète et philosophe romantique perçoit ainsi en Mohamed ﷺ une figure qui transcende le cadre religieux pour incarner un idéal humain et universel de grandeur.
Pour Lamartine, le Prophète Mohamed ﷺ n'est pas simplement un conquérant ou un chef d'État, il est un architecte d'idées et un faiseur de sens. L'admiration de Lamartine confère au Prophète une stature légendaire, comparable à aucune autre dans l'histoire moderne et renforce l'idée qu'une telle vision ne pouvait émaner que d’une foi d'une profonde sincérité.
Lamartine a su dessiner un portrait éloquent et respectueux du prophète de l’Islam ﷺ, qu'il décrit comme un visionnaire, dont l'héritage perdure bien au-delà des siècles. Sa conception de la foi et de la fraternité humaine, loin des ambitions impériales, inspire encore aujourd'hui. Pour Lamartine, Mohamed incarne la puissance des idées sincères et de la conviction authentique, des forces capables de transformer non seulement les peuples, mais aussi le cœur et l'esprit de l'humanité.
Ainsi, Lamartine termine sa vie en proie à de lourdes difficultés, marqué par le paradoxe d’un idéaliste contraint de vivre de l’aide d’un État qu’il avait autrefois contribué à façonner. Ses derniers jours furent assombris par la solitude et l’oubli, loin de la ferveur des révolutions et des honneurs littéraires qui avaient fait sa gloire.
Enfin, Les Français ont-ils connu leur patrimoine littéraire pour comprendre l’intégralité de l’Islam ? Pour ce faire, il faut redécouvrir Lamartine.
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*Article paru dans le n°51 de notre magazine Iqra.
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