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Regard fraternel (n°37) - L’engagement de l’Église pour le dialogue interreligieux



Avant la publication de « Nostra Aetate » en 1965, un document fondamental du « Concile Vatican II » qui redéfinissait les relations de l'Église avec les autres traditions religieuses, le dialogue interreligieux était quasi inexistant. Cette étape décisive a permis à l'Église de s'engager activement pour la paix, en faisant du dialogue un moyen essentiel de favoriser la compréhension et le respect mutuels. Le dialogue interreligieux ne se limite pas à un simple échange d'idées, il cherche à tisser des liens d'amour, de solidarité et de fraternité humaine entre les peuples et les nations, conformément à l'esprit des enseignements de l'Église. Pour approfondir cette démarche, nous allons explorer les contributions de figures ecclésiales engagées dans le dialogue : Jean-François Bour, le Cardinal Miguel Ayuso et Jean-Paul Vesco.


Qu’est-ce que la Nostra Aetate, et pourquoi est-elle si importante ?


Adoptée en 1965 lors du Concile Vatican II, la déclaration Nostra Aetate a profondément redéfini les relations de l’Église catholique avec les autres croyances. Ce texte historique, porté par l’élan de renouveau initié par Jean XXIII et promulgué par Paul VI, a ouvert une ère de dialogue respectueux entre les religions. Dans ce document, l’Église reconnaît que la quête de spiritualité est commune à toute l’humanité. Un point central de Nostra Aetate est consacré à l’Islam. Ce texte met en avant la foi des musulmans en un Dieu unique et leur engagement spirituel, inspiré par Abraham. Il souligne leur piété exprimée à travers des pratiques comme la prière, le jeûne et l’aumône, tout en reconnaissant leur respect pour Jésus et Marie.


Des membres du clergé engagés dans la promotion du dialogue interreligieux


L’objectif de cet engagement est de favoriser la compréhension mutuelle et l’échange enrichissant, en s’appuyant sur la vérité et le respect des libertés. Convaincus que le dialogue est un outil indispensable pour promouvoir la paix, les défenseurs de l’interaction interreligieuse encouragent une collaboration constructive entre personnes de croyances, traditions et idées diverses, aussi bien à titre individuel qu’institutionnel.


Dans un monde civilisé, des initiatives et organismes spécialisés s’efforcent de promouvoir des valeurs telles que la tolérance, le vivre-ensemble, la fraternité humaine et le respect de la diversité. Ils rejettent l’intolérance, les préjugés religieux, le racisme et la haine, tout en défendant la liberté de croyance et en luttant contre les persécutions. Ces efforts visent à construire des sociétés ouvertes, fondées sur l’acceptation de l’autre et le respect mutuel.


Pour mieux cerner le sujet, il est pertinent de faire référence à des personnalités religieuses chrétiennes qui ont consacré des efforts notables au dialogue interreligieux. Dans cet article, nous mettrons en lumière trois d’entre elles.


Le cardinal Miguel Ayuso


Né à Séville, en Espagne, Mgr Miguel Angel Ayuso Guixot grandit dans une famille catholique, profondément marquée par la culture andalouse. Cette influence, symbolisée par l'histoire de la cathédrale de Séville, ancien minaret d'une mosquée, ce qui nourrit sa sensibilité religieuse. Durant ses études en Séville, il participait à des retraites spirituelles pour jeunes. C'est lors de ces retraites qu'il découvre les publications des Missionnaires Comboniens du Sacré Cœur, rejoignant leur congrégation en 1973. Il prononce ses vœux perpétuels en mai 1980, est ordonné prêtre en septembre de la même année, et poursuit ensuite des études à Rome, obtenant une licence en 1982 au Pisai (Institut Pontifical d'Études Arabes et Islamiques).


Il débute sa mission en Égypte, comme curé au Caire, où il soutient les jeunes catholiques soudanais dans un contexte marqué par l'exil et les conflits. Cette expérience se prolonge au Soudan en pleine guerre civile, renforçant son engagement pastoral et humanitaire. En 2006, il est nommé doyen du Pisai, chose qui renforce son expertise dans le dialogue interreligieux.


En 2007, il devient consultant pour le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, dirigé par le cardinal Jean-Louis Tauran, dont il devient le secrétaire en 2012 sur décision du pape Benoît XVI, ensuite, il fut consacré évêque, en mars 2016. Après le décès du cardinal, le pape François le désigne préfet du Dicastère pour le dialogue interreligieux en 2019. Depuis cette nomination, il avait multiplié les efforts pour renforcer les relations avec les grandes religions mondiales.


Le cardinal Miguel Angel Ayuso Guixot, décédé le 25 novembre 2024, à 72 ans, était connu pour sa profonde connaissance de l’islam et du monde arabe, il joue un rôle central dans la signature du document sur la fraternité humaine à Abou Dhabi. Le voyage apostolique au Maroc, promouvait la fraternité entre les religions. Spécialiste de l'islam et du monde arabe, il a œuvré avec détermination pour renforcer les relations entre les grandes traditions religieuses, laissant un héritage de paix et de compréhension mutuelle.


Jean-François Bour


Le frère Jean-François Bour, dominicain depuis 1992 et ordonné prêtre en 2001, se distingue par son expertise en islamologie, dialogue interreligieux et anthropologie sociale théologique. Sa vocation intellectuelle et spirituelle l'a conduit à diriger DECERE (Démocratie, Construction Européenne et Religions), une association créée en 2005 en partenariat avec le diocèse de Strasbourg. Située au couvent dominicain de Strasbourg, cette initiative a pour objectif de mettre en lumière la contribution des religions à la construction européenne et à l'évolution des sociétés contemporaines. Sous sa direction, DECERE s'est affirmée comme un espace de réflexion et de dialogue sur le rôle des croyances dans un monde en constante mutation.


En mai 2022, Il a été nommé directeur du Service national pour les relations avec les musulmans (SNRM) par le conseil permanent de la Conférence des évêques de France. Ce service, créé avant un demi-siècle, vise à aider les catholiques à mieux comprendre la culture et la religion musulmanes, en favorisant un dialogue apaisé et constructif avec les musulmans. Son travail à la tête du SNRM témoigne d'une volonté de renforcer les liens interconfessionnels dans une société française marquée par sa diversité culturelle et religieuse.


Avec l’islam, le SNRM s'inscrit dans une histoire marquée par des préoccupations sociales et pastorales. Avant, pendant et après la Seconde Guerre mondiale, de nombreux travailleurs venus d'Afrique du Nord ont participé à la reconstruction de la France, souvent dans des conditions de vie difficiles. Ces réalités ont interpellé les communautés catholiques, qui ont rapidement vu la nécessité de mieux connaître et comprendre ces hommes et leurs croyances. Dans ce contexte, l'Église catholique a progressivement structuré ses efforts en faveur du dialogue avec les musulmans.


Aujourd'hui, sous l'impulsion du frère JeanFrançois Bour, le SNRM continue de jouer un rôle capital dans le dialogue interreligieux. Face aux défis posés par le multiculturalisme et aux tensions parfois exacerbées par l'ignorance ou les préjugés, ce service travaille à renforcer la cohésion sociale en favorisant une meilleure connaissance mutuelle. Avec une approche alliant rigueur intellectuelle et engagement pastoral, le frère Jean-François Brou a mis en œuvre des initiatives qui contribuent à bâtir des ponts entre les communautés religieuses, dans un esprit de paix et de fraternité.


Jean-Paul Vesco


Mgr Jean-Paul Vesco, archevêque d'Alger, a été nommé cardinal le 8 décembre 2024 par le pape François, un choix qui revêt une signification particulière. Ce juriste de formation, devenu dominicain à 33 ans, se définit comme « Algérien » en recevant cet honneur. Une reconnaissance qui dépasse sa personne et marque un moment fort pour l'Algérie et l'Église en terre d'islam.


Il avait d'ailleurs exprimé sa grande joie et sa gratitude, quand il avait reçu la nationalité algérienne écrivant sur Facebook : « C'est un signe fort pour notre Église qui se vit pleinement citoyenne. » Cette nomination illustre la volonté de bâtir des ponts entre les communautés et de renforcer la présence de l'Église en harmonie avec la société algérienne, dans un esprit de dialogue et de collaboration, tout en affirmant l'engagement de l'Église à être un acteur de paix et de réconciliation dans le contexte spécifique de l'Algérie.


En prenant la responsabilité de l’évêché d’Oran, Mgr Jean-Paul Vesco s’était inspiré d’une devise forte, héritée de deux sœurs blanches des années difficiles, confirmant qu’il voulait vivre et donner envie de vivre. Cette aspiration à insuffler la vie à la petite Église d’Oran a marqué ses premières missions pastorales. À son arrivée à Alger, il s’est imprégné d’une autre parole, celle de saint Jean.


D’après ses déclarations lors de sa nomination, sa mission en terre algérienne s’articule autour de deux axes, celui de prendre soin de chaque personne, chrétienne ou non, et celui de construire une Église plus synodale. Pour cela, Mgr Vesco met un point d’honneur à associer les laïcs aux décisions, même si l’Église reste largement soutenue par les religieux et les prêtres. Ce projet pastoral ambitieux s’inscrit dans la continuité des figures qui l’ont précédé, comme le bienheureux Pierre Claverie ou Mgr Teissier, sans adopter les symboles de noblesse qu’il considère éloignés de l’esprit de fraternité qu’il souhaite illustrer.


Mgr Vesco parle de l’importance d’une gouvernance partagée, symbolisée par les évolutions récentes au sein de l’Église. Le Synode, qu’il considère comme une mutation culturelle comparable à un Vatican III, a confirmé l’importance du consensus et de la responsabilisation des baptisés. Désormais, hommes et femmes laïcs ont le droit de vote dans cette démarche synodale, ce qui constitue un changement significatif dans l’histoire de l’Église.


Les trois unis pour la promotion du dialogues interreligieux


Les trois figures religieuses que sont, Jean François Bour, Miguel Ayuso et Jean-Paul Vesco, partagent un engagement commun en faveur du dialogue interreligieux, visant à promouvoir la paix et la fraternité entre les croyants de différentes religions. Leur action s’inscrit dans une volonté de dépasser les clivages religieux en favorisant la compréhension mutuelle, le respect des diversités et la coopération entre communautés.


Jean-François Bour se distingue par son travail à la tête du Service national pour les relations avec les musulmans, où il œuvre pour une meilleure connaissance et une rencontre apaisée entre catholiques et musulmans en France. Il rejette les préjugés et l’intolérance, privilégiant un dialogue constructif, à la fois intellectuel et spirituel, pour renforcer la cohésion sociale.


Le cardinal Miguel Ayuso a fait de l’interaction entre les grandes traditions religieuses son cheval de bataille, particulièrement dans son rôle de préfet du Dicastère pour le dialogue interreligieux. Son expertise en islam et en culture arabe l’a amené à œuvrer pour une meilleure compréhension entre les religions, notamment à travers des initiatives majeures comme la signature du document sur la fraternité humaine.


Mgr Jean-Paul Vesco, quant à lui, porte un regard innovant sur la gouvernance de l’Église, en la rendant plus synodale et inclusive. Son engagement pastoral repose sur l’écoute et la collaboration, cherchant à construire une Église qui vit pleinement dans la société algérienne, tout en prônant un dialogue constant entre les croyants de différentes traditions.


Tous trois sont animés par la conviction que le dialogue interreligieux est une base solide pour bâtir des ponts de compréhension, de tolérance et de paix dans un monde marqué par des tensions interconfessionnelles.


Leur engagement souligne l’importance d’une coopération respectueuse, qui passe par la reconnaissance de la dignité de l’autre, la liberté de croyance et la lutte contre l’intolérance.



*Article paru dans le n°43 de notre magazine Iqra.



 

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