Dans les rues dévastées du Liban, alors que les bombes continuent de s’abattre, et que l’écho des conflits résonne à travers les montagnes, une autre réalité émerge, empreinte d’humanité et de solidarité. Les communautés, traditionnellement marquées par des lignes de division religieuse, se retrouvent aujourd'hui unies face à une crise humanitaire sans précédent. Dans la Bekaa, des familles chrétiennes ouvrent leurs portes à des voisins musulmans fuyant la violence, tissant ainsi un récit nouveau de résistance collective. Au cœur de cette tourmente, les gestes de compassion deviennent des actes de rébellion contre la haine, des étincelles d'espoir illuminant un paysage assombri par la guerre. Cette solidarité, loin d'être un simple élan momentané, s'affirme comme un fondement essentiel de l'identité libanaise, rappelant à tous que, même dans l'obscurité, l'humanité peut encore briller.
La guerre qui s’abat sur le Liban et les bombardements israéliens incessants, engendre un afflux massif de déplacés, exacerbant ainsi la crise humanitaire dans ce pays déjà éprouvé. Au cœur de ce chaos, une lueur d'espoir émerge : la solidarité entre les communautés chrétienne et musulmane. Ce phénomène, particulièrement visible dans la région de la Bekaa, illustre la résilience collective d’un peuple qui, face à l’adversité, choisit l’union plutôt que la division.
Dans des villages comme Deir el-Ahmar et Fakkah, les familles chrétiennes ouvrent leurs portes à des voisins musulmans en détresse. C’est une véritable cohabitation qui s’installe, chaque maison accueillant plusieurs familles, une situation inédite dans ce contexte de guerre. À Fakkah, le nombre de déplacés atteint les 20 000 personnes, rendant les habitations exiguës et surpeuplées. Le Dr Hatem Mohiuddin, médecin local, évoque comment les habitants, mus par un élan de générosité, se regroupent pour former des comités d’aide, veillant aux besoins de ceux qui sont contraints de fuir leur foyer. Ces gestes de solidarité ne sont pas que des actes isolés ; ils tissent un lien fort entre les communautés, un lien fait de compassion et de dignité.
Les églises jouent un rôle fondamental dans cette dynamique. Le père Ibrahim Naamo, pasteur de l'archidiocèse de Ras Baalbek, rappelle avec force que l’humanité doit primer sur les affiliations religieuses. « Il est de notre devoir humanitaire et national de nous occuper de nos concitoyens », déclare-t-il, réaffirmant ainsi la vocation des lieux de culte. Dans cette période d’incertitude, les églises deviennent des refuges, offrant un abri et des ressources à ceux qui ont tout perdu.
Cependant, l’ampleur des défis logistiques est immense. Malgré cela, les bénévoles ne fléchissent pas. Rami Al-Lakis, président de l’Association libanaise pour les études et la formation, témoigne de l’engagement des citoyens : sept cuisines communautaires ont été ouvertes, et 91 000 repas sont distribués chaque jour. Des matelas, de l’eau et des articles d'hygiène sont acheminés vers les familles, tant musulmanes que chrétiennes. Les enfants, victimes innocentes de ce désastre, reçoivent une attention particulière, des activités récréatives et de soutien psychosocial étant organisées dans les écoles et centres d’accueil, leur offrant un peu de répit dans ce tourbillon de désespoir.
À Deir el-Ahmar, la solidarité se manifeste de manière éclatante. Jean Al-Fakhri, président de l'Union des municipalités de la région, affirme avec conviction que « tous les déplacés des villages de la Bekaa nord sont des invités temporaires chez leurs voisins ». Ce sentiment d’accueil transcende les simples actions humanitaires ; il évoque une compréhension profonde de l’enjeu commun, celui de la survie et de la dignité humaine.
Mais au-delà des gestes individuels, cette crise renforce des liens humains. Les familles, qu'elles soient chrétiennes ou musulmanes, se retrouvent souvent face aux mêmes défis : manque de ressources, pénuries alimentaires, insécurité omniprésente. Les récits de partage de repas, de veillées où l'on se soutient mutuellement, témoignent d'une humanité partagée, d’une compassion qui s’épanouit dans la douleur. Les enfants jouent ensemble dans des centres d’hébergement, apprenant, à leur jeune âge, que la solidarité transcende les différences qui peuvent les séparer.
La peur et l’incertitude qui dominent cette période de conflits renforcent ce sentiment d’unité. Dans des villes comme Tyr, les chrétiens, confrontés à des bombardements similaires, se solidarisent avec leurs voisins musulmans. Wael Mroueh, un médecin, déclare avec ferveur : « Si tout le monde part, il ne restera personne. Cela fait partie de notre résistance. » Cette notion de résistance collective est essentielle dans un contexte où la violence cherche à diviser.
Face à l'ampleur de la crise, les appels à l’aide se multiplient. Chafik Chahada, président de l'Union des municipalités de Baalbek, exprime son désespoir face à l'inefficacité des réponses gouvernementales et exhorte les organisations internationales à intensifier leur soutien. Ce besoin pressant d’une aide globale souligne l’urgence de la situation. Les familles d’accueil, confrontées à un afflux de personnes en détresse, se retrouvent rapidement à court de ressources.
Ce tableau désolant rappelle l’urgence d’une approche plus inclusive, prenant en compte les réalités de chaque famille, indépendamment de sa religion. Le dialogue interreligieux et les initiatives de coopération sont cruciaux pour bâtir un avenir où la coexistence pacifique devient une réalité. L’unité des Libanais, au-delà des clivages, se présente comme une condition sine qua non pour surmonter cette crise.
Ainsi, la solidarité de la communauté chrétienne avec les musulmans au Liban, face à cette tempête humanitaire, se dessine comme un acte de résistance et d’espoir. Dans un pays où les divisions ont souvent prévalu, ces gestes de compassion et d’entraide révèlent une force collective, capable de transcender les défis. Cette unité, fondée sur des valeurs communes d’humanité et de respect, peut servir de modèle pour d’autres régions touchées par des conflits. Le Liban, dans sa diversité, se réinvente ainsi dans l’adversité, aspirant à un avenir où chaque voix, quelle que soit sa croyance, trouve écho et résonance dans le cœur de la nation.
*Article paru dans le n°37 de notre magazine Iqra
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