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Regard fraternel (n°30) - L’école républicaine : liberté - égalité - fraternité



« L’éducation, c’est la famille qui la donne. L’Instruction, c’est l’État qui la doit. »


Victor Hugo, extrait de actes et paroles, 1852-1870


On ne peut évoquer l'histoire de l'École de la République sans parler de Jules Ferry, cet architecte de la laïcité scolaire qui a posé les fondements de l'éducation moderne en France. Son engagement a bien plus que transformé l'accès au savoir, mais il a ouvert la voie à une école de l'émancipation, de l'égalité et de l'intégration, offrant à chaque enfant, quel que soit son origine, les mêmes chances. Il se cache un parcours politique complexe, souvent sensible et peu connu « Ferry la famine » ou « Ferry le Tonkinois », cet homme, lointain et méconnu de son vivant, n’était jamais aussi populaire.


Jules Ferry, architecte de l'école Républicaine et pilier d'une France moderne


Né le 5 avril 1832 à Saint-Dié et mort le 17 mars 1893 (à 60 ans) à Paris, Jules Ferry, issu d'une famille bourgeoise et influencé par la pensée positiviste, s'est imposé comme une figure incontournable de l'histoire républicaine française. Loin de l'anticléricalisme militant, son rationalisme et sa vision pragmatique du monde l'ont mené à poser les bases d'une école laïque, gratuite et obligatoire, qui fait aujourd'hui partie de l'héritage national.


Bien que son engagement pour l'expansion coloniale ait terni son image et suscité de vifs débats, son rôle dans la fondation d'une instruction publique gratuite, laïque et obligatoire reste inattaquable. Oui on lui reproche notamment sa politique coloniale, mais il demeure avant tout le bâtisseur de l'École de la République. Il a jeté les bases d'un système éducatif qui, encore aujourd'hui, incarne les valeurs de la République.


Plus qu'un simple politicien, Ferry représente une époque marquée par la lutte pour l'égalité et l'émancipation à travers l'éducation. Cet héritier de la libre-pensée n’était pas exempt de controverses. Si ses réformes ont permis d'offrir à chaque enfant de la République une chance égale d'accéder au savoir, sa carrière politique, marquée par des critiques virulentes et des surnoms peu flatteurs comme « Ferry la famine », révèle un homme souvent contesté.


Engagé aux côtés de figures républicaines comme Léon Gambetta, Jules Ferry a joué un rôle central dans les événements marquants de la fin du XIXe siècle. De la proclamation de la République au balcon de l'Hôtel de Ville à son opposition à la Commune de Paris, son action publique a façonné la France moderne.


Pourtant, malgré ses engagements majeurs, l'homme reste souvent éclipsé par ses réformes emblématiques, notamment dans le domaine de l'éducation.


C'est sous la IIIe République que Jules Ferry marque l'histoire en devenant ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts à partir de 1879. Il met en place des réformes majeures pour soustraire l'éducation à l'influence de l'Instruction publique et des Beaux-Arts. Ses lois de 1881 et 1882, instaurant la gratuité, la laïcité et l'obligation scolaire, ont posé les bases d'une école républicaine durable.


L’École de la République, mémoire de la France


Après la défaite contre la Prusse, les Parisiens se soulèvent et la Troisième République est proclamée le 4 septembre 1870. Jusqu'en 1877, une lutte politique intense oppose monarchistes et républicains. La Marseillaise est adoptée comme hymne national et le 14 juillet est instauré comme fête nationale.


La loi du 19 mai 1874 sur le travail des enfants et des filles mineures dans l'industrie étend la réglementation à tous les ateliers, quelle que soit leur taille. L'âge minimum d'embauche est fixé à 12 ans pour une durée journalière de 12 heures. Le travail de nuit, ainsi que celui effectué les dimanches et jours fériés, est interdit pour les garçons jusqu'à 16 ans, et jusqu'à 21 ans pour les filles. La France entame également l'édification de son Empire colonial, marquant une expansion de ses territoires au de là des frontières.


Il faut savoir qu’après les élections de 1877, marquées par une victoire républicaine, le ministre Bardoux rétablit dans leurs droit les instituteurs déplacés par le gouvernement conservateur, et lance une Caisse pour la construction d'écoles. L'Exposition universelle de 1878 stimule un intérêt pour l'enseignement primaire, poussant à la relance des conférences pédagogiques à travers le pays.


En 1881, les lois Ferry rendent l'enseignement primaire obligatoire, gratuit et laïc pour les enfants de 6 à 13 ans. Les questions liées à l'enfance, à l'éducation et à la transmission du savoir deviennent alors des priorités majeures.


L’École et les valeurs de la République


Parmi les libertés fondamentales nées de la période révolutionnaire, le droit à l'instruction, c'est-à-dire la formation de l'esprit par l'acquisition de nouvelles connaissances, est inscrit dans la Déclaration des droits de 'homme de 1793. Si aujourd'hui, aller à l'école nous semble une évidence, la Révolution française a posée pour la première fois la question de l'égalité de tous face à ce droit. Les révolutionnaires considéraient l'instruction comme une valeur essentielle permettant aux citoyens d'être libres et égaux. Nicolas de Condorcet, philosophe, mathématicien et homme politique (1743-1794), a défendu, dans son projet connu sous le nom de plan Condorcet, une instruction pour tous, inspirée des caractéristiques des Lumières. Celle-ci devait être gratuite et laïque afin de contrer l'influence de l'Église catholique. Cependant, cette réforme n'a pas été mise en place, et il a fallu attendre le XIXe siècle pour que l'École, portée par l'État, trouve sa place dans la société française.


À cette époque, les instituteurs étaient surnommés les « hussards noirs » de la République, un terme inventé par Charles Péguy en 1913, en référence à leur rigueur et à leurs habitudes austères, dépourvues d'ornements. Ces enseignants faisaient preuve d'un sérieux et d'une discipline exemplaires, non seulement envers leurs élèves mais aussi vis-à-vis de la population française, ils étaient forts des connaissances et des valeurs à inculquer à l'école. Cet engagement envers l'instruction et la langue française jouait un rôle central dans l'intégration sociale, faisant de l'école un véritable pilier de la République, où l'égalité des chances et l'accès au savoir devenaient des principes fondamentaux pour tous.


Autrefois, aujourd'hui et demain, l’école a pour mission de transmettre les principes et les valeurs de la République, en formant des citoyens libres, éclairés et responsables. Elle joue un rôle central dans l'émancipation intellectuelle des élèves, en s'appuyant sur le savoir, la culture, et en construisant un projet démocratique commun. À travers les disciplines comme l'enseignement moral et civique, l'histoire, la géographie, et même les sciences et les arts, l'École inculque des valeurs telles que la liberté, l'égalité, le respect de la dignité humaine, et le rejet des discriminations.


Le projet éducatif s'étend au-delà des cours, avec des actions pédagogiques et des temps forts tout au long de l'année. Ces initiatives renforcent le sentiment d'appartenance à la nation et à ses valeurs communes. L'École reste ainsi un pilier essentiel dans la défense des principes républicains, offrant aux élèves des occasions de s'engager et de développer leur esprit critique pour devenir des citoyens de demain.


Depuis un siècle, l'enseignement des valeurs de la République occupe une place centrale dans le parcours scolaire, de l'école maternelle au lycée. Cette éducation vise à construire des citoyens éclairés et responsables, à travers une instruction civique et morale intégrée à l'ensemble du cursus. Les programmes ont évolué en fonction des contextes politiques et sociaux, mais la finalité est demeurée la même, il s’agit de transmettre les principes fondateurs de la République, tels que la liberté, l'égalité et la fraternité, tout en cultivant un sens aigu de la responsabilité et du devoir civique.


Ces valeurs sont au cœur de l'éducation nationale, permettant ainsi d'assurer la cohésion sociale et la stabilité de la démocratie. À travers les siècles, l'école républicaine a joué un rôle clé dans la formation de citoyens respectueux des droits de l'homme et des institutions, mais aussi soucieux des exigences de la vie collective.


L'évolution des programmes scolaires, des réformes éducatives aux nouvelles approches pédagogiques, a permis d'adapter cet enseignement aux changements de la société. L'école est ainsi devenue un lieu où la laïcité, le respect des différences et la promotion de l'égalité sont devenus des principes incontournables. En intégrant ces valeurs dans l'ensemble de l'enseignement, l'école prépare les jeunes générations à participer activement à la vie publique et à défendre la République.



*Article paru dans le n°35 de notre magazine Iqra



 

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