Les expéditions espagnoles vers le Nouveau Monde au XVe siècle ont embarqué à leur bord un grand nombre de musulmans fuyant la chute de l'Andalousie. En apportant avec eux leur culture islamique, leurs sciences et leurs compétences, notamment en architecture ; ils ont profondément influencé l'environnement bâti émergent en Amérique. Les traces de ce patrimoine islamique sont encore visibles aujourd'hui dans les décorations, les formes architecturales et les espaces extérieurs qui rappellent fortement ceux de l'Andalousie médiévale et du monde islamique ancien.
Est-ce que cela signifie que l'Islam est arrivé en Amérique avant les protestants et même avant l'existence du protestantisme ?
Les traces musulmanes en Amérique avant Colomb
De nombreuses sources historiques mentionnent les peuples qui ont atteint le Nouveau Monde avant Christophe Colomb. Les anciens documents chinois, qui relatent divers mouvements migratoires à travers le monde, parlent en détail de la migration de certains Arabes musulmans, adeptes de l'État almoravide qui a perduré entre les XIe et XIIe siècles. Ces documents racontent que cette migration a traversé un vaste océan dépourvu d'îles, naviguant pendant plus de cent jours, pour finalement arriver sur le continent Américain.
Au début du XIVe siècle, le roi malien Abu Bakr II a mené une expédition africaine vers les Amériques. Abu Bakr, décrit comme immensément riche, a équipé des centaines de navires de provisions pour plusieurs années. Après une longue absence, un seul navire est revenu, affirmant que la flotte avait été engloutie par un puissant courant océanique. Incrédule, Abu Bakr a lancé une nouvelle expédition encore plus grande, qu'il a lui-même dirigée, mais il n'est jamais revenu.
L'anthropologue américain Ivan Van Sertima a enquêté sur ces expéditions et trouvé des preuves archéologiques suggérant que la deuxième expédition avait atteint la Floride et le Mexique et s'était mêlée aux populations autochtones. Christophe Colomb a également décrit dans ses mémoires avoir rencontré des personnes à la peau sombre lors de son troisième voyage.
Des découvertes de mosquées anciennes dans le Nevada, le Texas et le Mexique pourraient être des vestiges de ces premières expéditions musulmanes. Colomb mentionne dans son journal daté du 11 octobre 1492 avoir vu une structure ressemblant à une mosquée au large des côtes cubaines.
Cette histoire, bien que souvent oubliée, rappelle que les contacts entre les civilisations islamiques et le Nouveau Monde remontent à bien avant l'arrivée des Européens.
Les andalous musulmans en Amérique
Pendant les persécutions de l'Inquisition espagnole, de nombreux musulmans andalous ont traversé l'Atlantique pour s'installer en Amérique. Des traces de la langue arabe sont encore visibles aujourd'hui parmi les langues des Amérindiens, comme l'a confirmé l'ancien professeur de Harvard, Leo Weiner, dans son livre "L'Afrique et la découverte de l'Amérique", et l'orientaliste anglais De Lacy, dans "La pensée arabe et sa place dans l'histoire de l'Occident", ont affirmé que les musulmans avaient atteint l'Amérique avant Colomb.
Colomb a noté avoir rencontré des personnes ressemblant aux Andalous et fut surpris par la présence du voile parmi leurs femmes. Hernando Cortés, un autre explorateur espagnol, a observé que ces femmes portaient des voiles similaires à ceux des Andalous. Fernando Colomb, le fils de Christophe Colomb, a décrit des vêtements similaires à ceux de Grenade.
Ces réfugiés, cherchant à échapper aux persécutions religieuses, n'ont pas trouvé un refuge sûr en Amérique avec l'arrivée de leurs oppresseurs européens. Leur présence a été rapidement éradiquée. Certains ont été contraints de se convertir, d'autres exécutés, ou renvoyés en Espagne pour être jugés par l'Inquisition. Les documents de cette époque précisent qu'il ne devait y avoir « aucun moyen de propager la religion de Mohamed » en Amérique.
Louis Cardaillac note que l'Inquisition cherchait à éliminer toute influence islamique chez les nouveaux chrétiens du Nouveau Monde, afin de prévenir toute propagation de la foi musulmane.
D’autres récits historiques indiquent que des musulmans faisaient partie de l'équipage de Christophe Colomb lors de ses célèbres expéditions en 1492, année marquant la fin officielle de la présence islamique en Andalousie. Ces marins musulmans, ayant déjà exploré ces terres, ont servi de guides à Colomb.
Ce que beaucoup ignorent, c'est qu'Ahmed Muhyiddin Piri, connu sous le nom de Reis Piri, avait découvert l'Amérique en 1465, soit 27 ans avant Colomb. Le Reis, amiral de la flotte ottomane, avait cartographié l'Amérique du Nord et du Sud ainsi que le Pôle Sud. Des cartes encore admirées aujourd'hui. Selon les mêmes récits, les cartes d'Al-Masudi (896-957) avaient déjà identifié l'Amérique dans l'Atlantique, la nommant "terre inconnue".
De nombreuses études confirment cette arrivée précoce, faisant état d’échanges commerciaux et de nombre d’artisans musulmans qui ont influencé les autochtones. Le rôle des musulmans en Amérique remonte donc à une période très ancienne.
L'influence de la civilisation andalouse
Il est communément admis par de nombreux chercheurs que la civilisation américaine, tout comme cela a été le cas pour l'Europe, a été en partie fondée sur les vestiges de la civilisation musulmane andalouse. Cet héritage, résultant de huit siècles de présence musulmane en Andalousie, s'est manifesté de diverses manières lors de la conquête espagnole des Amériques
Par exemple, le nom "Californie" on dit qu’il serait d'origine arabe, attribué par les Espagnols en 1535, inspiré d'un roman publié à Séville en 1510, ayant pour titre : « Las sergas de Esplandian » (Les exploits de Esplandian) relatant l'histoire d'une riche île nommée Californie, gouvernée par des Amazones à la peau noire, et à leur tête, la reine Califia.
Des similitudes historiques ont également été notées entre les vêtements des femmes américaines et ceux des femmes mauresques, en Andalousie, après l'arrivée des Européens. Ces influences restent encore visibles dans le sud de l'Amérique, intégrées dans son histoire et sa culture.
Les nouvelles vagues de migration contemporaine
Les premières migrations contemporaines des Arabes et des musulmans vers l'Amérique furent majoritairement motivées par des conditions politiques difficiles dans leurs pays d'origine, à la fin de l'Empire ottoman et sous l'occupation britannique et française. Certains cherchaient également de meilleures opportunités économiques, par le biais du commerce et du travail.
Un petit nombre de musulmans a commencé à émigrer vers les États-Unis dès 1840, principalement en provenance des territoires sous domination de l'Empire ottoman. En 1906, les musulmans bosniaques de Chicago ont fondé la communauté de la Hijra, la plus ancienne coopérative musulmane des États-Unis, et ont ouvert une école du dimanche supervisée par le cheikh Kamil Avdović, diplômé de l'Université Al-Azhar.
En 1907, des immigrants tatars de Russie, de Pologne et de Lituanie ont établi la première organisation islamique à New York. Puis, en 1915, les Albanais ont inauguré la première mosquée à Bedford. À la fin de 1952, il y avait plus de vingt mosquées à travers les États-Unis. En 1920, la première campagne de prédication islamique a été lancée par un musulman indien, suivie en 1921 par la création de la Mosquée Al-Sadiq, qui ressemblait plus à une zawiya car elle n'avait pas encore de licence officielle.
En 1934, le premier bâtiment officiellement reconnu comme mosquée a été autorisé à Cedar Rapids, dans l'Iowa. Cette reconnaissance a marqué une étape importante dans l'établissement de l'infrastructure islamique aux États-Unis, facilitant la pratique religieuse pour les musulmans américains et renforçant la communauté.
Après l'adoption de la loi sur la nationalité américaine en 1953, le flux migratoire vers les États-Unis a considérablement augmenté, notamment dans les années 1960. Cette loi permettait aux immigrants de devenir citoyens selon des quotas basés sur la population résidente.
À la fin du XIXe siècle, la majorité des immigrants venaient d'Europe, mais certains arrivaient aussi du Levant, d'Inde, du Pakistan, d'Europe de l'Est et de l'Union soviétique, s'installant surtout dans les grandes villes comme Chicago et New York. Dans la seconde moitié du XXe siècle, la proportion de musulmans parmi les immigrants a augmenté. En 1965, une loi signée par le président Lyndon Johnson a supprimé les quotas basés sur l'origine nationale, facilitant ainsi l'immigration en provenance d'Asie et du Moyen-Orient, dont beaucoup de musulmans.
Les troubles politiques dans les pays musulmans ont amplifié cette tendance. Des événements tels que la guerre de 1967 avec Israël, la révolution iranienne de 1979, la guerre civile au Pakistan et la création du Bangladesh, les persécutions en Inde, le coup d'État en Afghanistan, la guerre civile au Liban, la guerre en Irak, la guerre civile en Somalie, la répression au Soudan, et le nettoyage ethnique en Bosnie ont tous contribué à augmenter l'immigration musulmane aux États-Unis.
*Article paru dans le n°25 de notre magazine Iqra.
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