« Ma grand-mère avait l’habitude
de faire une chose étrange,
elle disait : ‘Ce qui est dans ma tête
est dans mon cœur et les anges en sont témoins.’
Elle n’utilisait pas la sainte trinité »
Ada Romero Sánchez, chercheuse et académicienne espagnole
Évoquer l’Andalousie nous transporte dans les méandres d’une histoire millénaire où se marient harmonieusement les influences arabo-islamiques et européennes, forgeant une culture d’une richesse inégalée. Au-delà de sa simple réputation touristique, l'Andalousie incarne un héritage architectural, artistique et botanique remarquable, symbolisé par ses palais majestueux, ses jardins luxuriants et son patrimoine culturel incomparable.
Pourtant, lorsque nous écoutons la voix de la descendance andalouse, nous sommes transportés au cœur de l'histoire profonde de cette région d’Espagne, où leur passé est étroitement lié à cette terre. Ce qui frappe, c'est la manière dont ils relatent cet enracinement à travers les récits. Ainsi, son récit va bien au-delà de l'architecture et des jardins pour embrasser une narration plus large, mettant en lumière les coutumes, les traditions et les rituels transmis de génération en génération. Même les générations non musulmanes découvrent leur héritage ancestral, comprenant ainsi, que leurs ancêtres leur ont légué des coutumes, des comportements et des expressions qui plongent leurs racines dans les valeurs de l'islam.
C'est alors qu'une descendante des andalous découvre ce lien avec l'islam à travers le vocabulaire et les comportements transmis par sa grand-mère, ainsi que par les personnes de son village, situé à Almería. Les descendants de l'Andalousie deviennent alors les gardiens de cette riche histoire et de cette civilisation, parmi eux figure Ada Romero Sánchez, également connue sous le nom de Abida Abdessamad, une chercheuse et académicienne espagnole qui évoque le paysage andalou à travers les récits de sa grand-mère et les rituels de son village, intimement liés à l'islam sans qu’il soit musulman.
Dans les ruelles sinueuses d'un village d'Almeria, en Espagne, réside un héritage inattendu, témoignant de la présence musulmane dans cette terre autrefois chrétienne. Au cœur de cette communauté, une tradition persistante relie les générations, défiant les frontières du temps et de la religion. La Grand-mère d’Abida avait coutume de dire : « Ce qui est dans ma tête est dans mon cœur et les anges en sont témoins ». La jeune fille découvre alors que sa grand-mère n’utilisait jamais la sainte trinité, malgré les gestes qu’elle faisait.
« “lala khalala”, ce mystérieux rite, transmis
de mère en fille, cache en réalité une expression sacrée
: “la ilaha Ila Allah”, “Il n'y a de divinité en dehors d'Allah” »
Le mystérieux rite de « lala khalal » transmis de mère en fille, cache en réalité une expression sacrée : « la ilaha Ila Allah » : Il n'y a de divinité en dehors d'Allah. Un groupe de cinq vieilles dont la grand-mère, le récitaient trois fois dans l’oreille de la défunte du village, étant les premières à entrer, avant même que sa famille ne la voie. Cette coutume, préservée avec dévotion, révèle un lien profond avec la tradition musulmane, insufflée dans les racines de la culture locale.
Les récits familiaux révèlent des anecdotes surprenantes, comme celui du père découvert en prosternation (soudjoud) par sa mère, cachant sa récente conversion à l'islam. Ces histoires d'ancêtres rappellent la jeunesse courageuse qui embrassait une nouvelle foi, soulignant l’héritage vivant de l’Islam en Espagne. Le jeune homme est le papa d’Adiba et sa mère était la grand-mère qui se comportait comme une musulmane, bien qu’elle ne le soit pas. La maman d’Abida avait 22 ans quand elle s’est convertie.
« “Odho”, un mot inexistant dans
le dictionnaire espagnol,
trouve son origine dans “Aoudhou billah” »
Même dans les gestes simples du quotidien, les vestiges de l'Islam se manifestent. Du lavage rituel des mains aux mots utilisés pour apaiser la colère, les traditions islamiques se sont intégrées dans le tissu même de la vie espagnole. Des expressions comme « odho » un mot inexistant dans le dictionnaire espagnol, t r o u v e s o n o rigin e d a n s « A o u d h o u billa h », résonnent toujours dans les murs de la maison de ses grands-parents, rappelant une époque où les cultures chrétienne et musulmane se mêlaient harmonieusement.
« L'h i s t o i r e d e l'E s p a g n e d é v o i l e u n h é r i t a g e
c o m p l e x e e t d i v e r s i fi é , o ù l e s t r a c e s
d u p a s s é m u s u l m a n s e m a n i fe s t e n t
t o uj o u r s à t r av e r s l e s g é n é r a t i o n s . »
Au-delà des mots et des gestes, certains termes comme « al makhzen » et aussi « alberca » révèlent une empreinte persistante de la présence arabo-musulmane en Espagne, soulignant ainsi la profondeur et l'ancienneté de cet héritage.
L'histoire de l'Espagne dévoile un héritage complexe et diversifié, où les traces du passé musulman se manifestent toujours à travers les générations. Ces réminiscences inattendues témoignent de la richesse et de la résilience d'une culture qui, malgré les tumultes de l'histoire, continue de tisser des liens entre les peuples et les croyances.
Cette jeune chercheuse espagnole a brillamment réaffirmé que les vainqueurs écrivent l'histoire. À travers le récit de l'histoire de sa famille, où les traditions musulmanes persistaient malgré le christianisme, elle l'a raconté avec un orgueil palpable. Alors même que les manuels d'histoire insistaient sur la défaite des musulmans en Andalousie et la dissolution de leur civilisation dans les annales romaines, le récit de sa descendance a résonné comme une voix triomphante.
En effet, les caractéristiques distinctes de la culture musulmane ont été transmises de génération en génération jusqu'à Abida, la chercheuse, qui les évoque aujourd'hui. Ainsi, l'Andalousie a laissé un héritage culturel vivant dans les foyers espagnols, à travers les coutumes et le langage, sans même que ses habitants ne sachent que ces expressions étaient léguées par leurs ancêtres.
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