Les trois grandes religions abrahamiques, le judaïsme, le christianisme et l’islam s’accordent sur une origine commune de l’humanité, illustrée par Adam (paix sur lui) et Ève (Hawa), considérés comme les premiers êtres humains et les ancêtres de tous. Mentionnés dans la Genèse, la Bible et le Coran, ils représentent la création divine à l’origine de l’humanité. Pourtant, au fil du temps, les récits ont divergé selon les croyances, les textes sacrés et les influences culturelles. Si l’idée que l’humanité descend d’Adam et Ève demeure largement partagée, certaines interprétations évoquent des récits différents, suggérant, par exemple, qu’Ève ne serait pas la première épouse d’Adam.
Entre similitudes et divergences
Dans les anciennes civilisations, les récits diffèrent de celui d’Adam et Ève. Les traces des grandes civilisations orientales (Égypte, Mésopotamie, Perse, Inde, Chine) ou occidentales (Grèce, Rome, Celtes) ne mentionnent pas cette histoire. Chaque civilisation ancienne offre des récits variés sur la création, reflétant leurs croyances et contextes historiques. D’ailleurs, une idée commune traverse ces récits qui affirme que l’humain serait façonné à partir de l’argile. Ainsi, dans la civilisation sumérienne, l’humain est créé par le dieu Enki ou Enlil à partir d’argile et de sang.
En Grèce, Prométhée, sur ordre de Zeus, façonne l’humanité avec de l’argile, lui offrant des dons qui provoquent la colère de Zeus. Des récits similaires apparaissent également dans les civilisations chinoise, indienne, laotienne, ... Entre les récits accusant Ève d’être responsable de l’expulsion d’Adam du paradis, de nombreuses légendes et croyances ont forgé une image négative de la femme à travers les cultures et traditions religieuses. Ces récits, souvent empreints de mythes, ont contribué à modeler un héritage social influençant la perception de la femme dans diverses sociétés.
Depuis toujours, des divergences entourent l’histoire d’Ève, son mode de création et son rôle. Les textes sacrés des trois grandes religions abrahamiques, ainsi que leurs interprétations, diffèrent, non seulement entre elles mais aussi au sein des mêmes traditions. Cette question reste un sujet de débat pour les érudits et les exégètes, oscillant entre faits, légendes et récits non vérifiés.
Le récit du péché originel est détaillé dans la Torah, plus précisément dans le Livre de la Genèse. Ce texte rapporte que Dieu (Le Tout Puissant) avait interdit à Adam et Ève de manger du fruit de l’arbre défendu, mais ils n’ont pas respecté cet interdit. La faute serait attribuée au serpent, qui aurait tenté Ève, avant qu’elle-même ne tente Adam. En conséquence, Dieu inflige une punition à chacun d’eux, le serpent, Adam et Ève.
Les conséquences de ce péché ne s’arrêtent pas là, car elles étaient transmises à toutes les générations humaines. Selon cette croyance, la femme porte la plus grande part de responsabilité, et est considérée comme la cause de la chute de l’humanité. Dans son texte « La Genèse au sens littéral » ou (De Genesi ad Litteram), Augustin écrit : « Si Adam était déjà spirituel (au moins dans son esprit, sinon dans son corps), comment aurait-il pu croire ce que le serpent disait ?... La femme fut donnée à l’homme, femme qui était de petite intelligence et qui vit, peut-être encore plus, selon les impulsions de la chair inférieure que par la raison supérieure … et que par elle l’homme est devenu coupable de transgression. »
Augustin analyse la chute d’Adam et Ève en détail, explorant les rôles respectifs de la femme et de l’homme dans cet épisode biblique. Dans « La Cité de Dieu » (De Civitate Dei), il développe ensuite, sa théologie du péché originel et ses conséquences pour l’humanité.
Égalité dans la transgression d’Adam et Hawa
Le Coran présente un traitement équilibré de l’histoire d’Adam et Hawa (Ève), soulignant que la faute de la désobéissance à Dieu a été partagée entre les deux. Il décrit la transgression comme un acte commun entre Adam et Hawa, et ne les condamne pas individuellement pour la chute de l’humanité. Cela est explicitement mentionné dans des versets comme ceux de la sourate Al-A’raf versets de (19 à 25) où le rôle du Satan dans l’incitation à la désobéissance est également mis en lumière.
Le Tout-Puissant dit : « Ô Adam ! Habite le Paradis, toi et ton épouse ; et mangez-en vous deux, à votre guise ! Mais n’approchez pas l’arbre que voici ! Sinon, vous seriez du nombre des injustes. Puis, le Diable, afin de leur rendre visible ce qui leur était caché - leurs nudités - leur chuchota, disant : "Votre Seigneur ne vous a interdit cet arbre que pour vous empêcher de devenir des Anges ou d’être immortels ! " Et il leur jura : “Vraiment, je suis pour vous deux un conseiller sincère". Alors, il les fit tomber par tromperie. Puis, lorsqu’ils eurent goûté de l’arbre, leur nudité leur devint visible; et ils commencèrent tous deux à y attacher des feuilles du Paradis. Et leur Seigneur les appela : "Ne vous avais-Je pas interdit cet arbre ? Et ne vous avais-Je pas dit que le Diable était pour vous un ennemi déclaré ? Tous deux dirent" : "Ô notre Seigneur ! Nous avons fait du tort à nousmêmes. Et si Tu ne nous pardonnes pas et ne nous fais pas miséricorde, nous serons très certainement du nombre des perdants." Descendez, dit (Allah), vous serez ennemis les uns des autres. Et il y aura pour vous sur Terre séjour et jouissance, pour un temps. "Là, Il (Allah) dit vous vivrez, là vous mourrez, et de là on vous fera sortir. »
Le récit de la transgression d’Adam et Hawa dans le Coran apparaît en détail dans deux autres sourates, notamment dans Al-Baqara et Taha. Ces versets traitent de la désobéissance d’Adam et Hawa après que Satan les ait incités à manger du fruit défendu, malgré l’ordre divin de ne pas s’en approcher. A cet effet, le Coran présente cette faute comme une action partagée, ce qui contraste avec d’autres traditions religieuses qui attribuent la responsabilité uniquement à la femme.
Dans la sourate Al-Baqara, le verset 35 décrit comment Allah a permis à Adam et Hawa de vivre dans le paradis, mais leur a interdit de s’approcher d’un arbre particulier. Satan les a trompés, et après avoir désobéi, ils ont été expulsés du paradis, mais Dieu les a pardonnés après leur repentance : « Et Nous dîmes : " Ô Adam, habite avec ta femme le paradis, et mangez-en librement où vous voulez. Mais ne vous approchez pas de cet arbre, sinon vous seriez du nombre des injustes. " Mais le diable leur inspira la désobéissance. » (Al-Baqara, verset 35).
Dans la sourate Taha, ce thème est également développé, précisant que Satan tentait Adam et Hawa en leur promettant l’immortalité : « Et Nous dîmes : Ô Adam, c’est un ennemi pour toi et pour ta femme. Ne laissez pas Satan vous faire sortir du paradis, car tu serais malheureux. » (Taha, verset 117). Ces récits montrent que la transgression est une faute commune, partagée entre Adam et Hawa, et que leur expulsion du paradis est suivie de la repentance, qui est acceptée par Allah, AWJ. Le Coran, contrairement à d’autres textes sacrés, ne fait pas de distinction entre les sexes en matière de péché originel et de rédemption.
La non-responsabilité de Hawa dans le récit coranique
Les versets coraniques montrent clairement que la responsabilité de la transgression d’Adam et Hawa est partagée et que la faute n’est pas attribuée uniquement à Hawa. Contrairement à certaines traditions chrétiennes et juives qui désignent Hawa comme l’instigatrice de la chute, le Coran précise que Satan a incité les deux à commettre la faute, sans mentionner spécifiquement la responsabilité de la femme.
Et de cela, nous déduisons que :
Les versets du Noble Coran soulignent que tant Adam que Hawa ont désobéi à Allah. Les formules employées (le pronom « vous » au duel) indiquent que les deux ont péché ensemble.
Le rôle de Satan est central dans la transgression, en tant que celui qui a séduit Adam et Hawa. Dans le Coran, il est clairement mentionné que Satan, et non un serpent ou une autre figure, est l’agent de la tentation.
Après leur faute, Adam et Hawa se sont repentis, et leur repentance a été acceptée par Dieu. Il n’y a aucune allusion à une condamnation permanente des femmes ou des descendants d’Adam et Hawa.
Le Coran précise également que la faute d’Adam et Hawa ne se transmet pas à leur descendance.
Le texte coranique présente une vision égalitaire de la transgression originelle, rejetant l’idée d’une culpabilité héréditaire ou d’une responsabilité exclusive de la femme dans la chute.
Le Coran et la Sira Prophétique enseignent le respect de la femme et préservent sa place dans la famille et la société. Le rôle de la femme, en particulier celui de la mère, est particulièrement valorisé. Le fardeau de la grossesse et de l’accouchement est reconnu, et la femme est honorée pour ses sacrifices. Le Prophète Mohamed (paix et bénédictions sur lui) a recommandé d’honorer les mères, il proclame : « Le paradis se trouve sous les pieds des mères. » (Sunan An-Nasa’i, 3104). Un autre hadith célébrant la priorité de la mère dans le respect : « Un homme est venu voir le Prophète et lui demanda : " Ô Messager d’Allah, je veux faire du bien à mes parents, mais ma mère est âgée et elle ne peut plus se déplacer, que dois-je faire ? ". Le Prophète lui répond : " Si tu la portes sur ton dos, tu ne lui auras pas rendu le même service qu’elle t’a rendu en te portant dans son ventre. " » (Sahih alBukhari, 5979).
Cela montre l’énorme respect dû aux mères, même lorsqu’elles sont incapables de rendre les services qu’elles ont fournis pendant la grossesse et l’enfance. Un autre hadith rapporté par Abu Hourayrah indique que lorsqu’on demande au Prophète qui mérite le plus de bonnes actions et de respect, il répond : « Ta mère, ta mère, ta mère, puis ton père. » (Sahih Mouslim, 2548).
Enfin, Hawa (Ève) en Islam est souvent appelée « ا أم) « Oum al-Bacharya), ce qui signifie « Mère de l’humanité ».
Ce titre prouve son rôle en tant que première femme et mère de tous les êtres humains, selon les enseignements islamiques. Dans cette même tradition, Hawa est respectée comme une figure centrale de l’humanité, et son rôle dans l’histoire est mis en valeur sans qu’aucune culpabilité ne lui soit attribuée, seule.
*Article paru dans le n°44 de notre magazine Iqra.
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