
Mardi 18 mars 2025, à la tombée du jour, un moment de partage et de fraternité s’est déroulé au cœur de la Grande Mosquée de Paris. À l’invitation du recteur, le ministre l’Europe et des Affaires étrangères, monsieur Jean-Noël Barrot a pris place aux côtés des ambassadeurs des pays musulmans accrédités en France et des représentants des cultes musulmans, catholiques et protestants, pour un iftar placé sous le signe de la convivialité et du dialogue.
Une laïcité de liberté
Depuis quatre ans, ce rendez-vous s’impose comme une tradition, témoignant d’une volonté toujours plus forte de construire des ponts entre les cultures et les croyances dans une République fondée sur les principes de la laïcité, qui garantit en réalité la liberté de croyance. L’iftar a été l’occasion pour Jean-Noël Barrot de prendre la parole. Il a rappelé les mots du président Emanuel Macron dans son discours fondateur aux Bernardins : « La laïcité n’a certainement pas pour fonction de nier le spirituel au nom du temporel, ni de déraciner de nos sociétés la part sacrée qui nourrit tant de nos concitoyens. »
Jean-Noël Barrot a également souligné la vision de la laïcité comme un principe de liberté, rappelant que : « Si la laïcité, ce patrimoine vivant dont parle le Premier ministre, pose le principe de la séparation du politique et du religieux, elle ne signifie ni ignorance du fait religieux, ni indifférence à l’égard des croyants... La laïcité, il faut le redire, est avant tout de liberté, liberté de croire ou de ne pas croire, et si l’on croit, de pratiquer librement et dignement sa religion ». Pour lui la laïcité, est comme un trésor précieux: « Dans un monde où la nuance, la modération et le respect des différences cèdent de plus en plus souvent la place à la facilité et aux expressions binaires, je crois que la laïcité telle que la République française l’a conçue est un trésor que nous Français avons profondément intérêt à défendre » a-t-il souligné.
Le dialogue interreligieux, une valeur essentielle
Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, monsieur Chems-eddine Hafiz a parlé de la place centrale de la mosquée dans le dialogue entre les cultures et les religions. « Depuis sa première édition en 2022, ce qu’on appelle désormais l’iftar des ambassadeurs est devenu une tradition bien ancrée », a-t-il rappelé, affirmant que cet événement symbolise une ouverture sincère et un lieu de rencontre. Il a précisé que « la Grande Mosquée de Paris porte ainsi une histoire que certains veulent maintenir dans l’ombre. Elle est le récit de nos concitoyens musulmans dans notre pays, de leur contribution à sa sauvegarde et à sa prospérité depuis 100 ans. » Ce rappel historique était aussi une invitation à reconnaître la place de l’Islam dans la société française, un message renforcé par ses mots « la Grande Mosquée de Paris est en même temps la marque de l’amitié, de la fraternité entre la France et les terres d’Islam, d’un bout à l’autre du globe, dans leur diversité, dans les richesses qu’elles apportent au monde. »
« La présence des musulmans dans ce pays, comme ailleurs en Europe, est devenue un sujet de débat, de polémique et d’adversité. Face aux thèses qui opposent les identités nationales et les appartenances religieuses, nous travaillons un contre-discours solide », a ajouté le recteur, dénonçant les images déformées de l'Islam dans l'opinion publique.
Un défi commun : renforcer l’intégration et lutter contre la radicalisation
Jean-Noël Barrot a abordé la question de l’intégration dans le cadre républicain, notamment le sujet complexe de l’imamat détaché, qui fait débat en France. Il a expliqué : « Je n’ignore pas que le sujet de la fin de l’imamat détaché occupe aujourd’hui une place centrale dans l’Islam de France. C’est un sujet complexe mais qui va dans le sens d’une intégration toujours plus grande de l’Islam au cadre républicain. » Il a aussi souligné la nécessité de travailler ensemble pour faire face aux défis communs, notamment la lutte contre la radicalisation : « Les relations entre l’État et les musulmans sont riches et intenses et je souhaite qu’elles se renforcent encore afin que nous puissions relever ensemble les défis communs, notamment celui de la lutte contre le poison de la radicalisation, de la violence et de la haine. »
Le ministre des Affaires étrangères a également abordé la place de l’Islam en France, soulignant qu’il « est désormais la deuxième religion de France par le nombre de ses fidèles, qui ont toute leur place dans notre pays. » Il a précisé que les relations entre l’État et les musulmans étaient riches et intenses, et qu’il souhaitait renforcer ces liens pour relever ensemble des défis communs.
Le recteur a, lui aussi, abordé la question de la radicalisation en soulignant : « La montée de l’extrémisme n’est plus une menace lointaine mais une réalité brutale. » Il a rappelé l’importance de contester les stéréotypes négatifs autour de l’Islam : « l’Islam est réduit à des images déformées et contraires à son essence. »
Un lien historique et humain avec le monde musulman
Jean-Noël Barrot a rappelé l’histoire de la Grande Mosquée de Paris, née de la volonté de la République pour honorer les soldats musulmans tombés pendant la Première Guerre mondiale. Il a déclaré : « La France ouvrait la voie à sa construction avec la volonté d’honorer ces dizaines de milliers de soldats musulmans qui avaient donné leur vie pendant la grande guerre pour que vive notre pays. »
Il a conclu en affirmant que ce lien historique et humain avec les pays musulmans était toujours d’actualité : « Cette place de l’Islam dans notre passé et notre présent dessine un lien historique et humain avec les pays du monde musulman. Avec eux, mesdames et messieurs les ambassadrices et ambassadeurs, la diplomatie française entend favoriser une meilleure compréhension mutuelle…» Le recteur, dans son discours, a également souligné l’importance de renforcer ce lien, évoquant les efforts menés pour mettre en lumière le patrimoine religieux et culturel des villes du monde musulman, notamment Alger, Istanbul et Béjaïa, et invitant les ambassadeurs présents à participer à ces initiatives : « Je vous invite à construire ensemble d’autres éditions sur d’autres villes. »
Cet iftar partagé n’est pas seulement un moment de convivialité, mais un symbole fort, celui d’une France qui, fidèle à son histoire, continue de bâtir des ponts entre les croyances et les peuples, dans le respect de sa laïcité de liberté.
*Article paru dans le n°57 de notre magazine Iqra.
À LIRE AUSSI :
Notre mosquée (n°25) - Entre héritage et rayonnement : la Grande Mosquée de Paris face aux défis du temps
Notre mosquée (n°24) - La mosquée de Paris, un agencement architectural ou une inégalité perçue?
Notre mosquée (n°23)- la Grande Mosquée de Paris : un modèle de dialogue dans la société française
Comments