Lumière et lieux saints de l'Islam, à la découverte des mosquées du monde (n°56) - Mosquée Fadhloun : le souffle du désert et la prière des hommes
- Nassera BENAMRA
- il y a 2 jours
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Sur les terres sablonneuses de Djerba, entre figuiers de Barbarie et vents du large, s’élève une mosquée que le temps n’a pas flétrie : la mosquée Fadhloun, sentinelle de calcaire et d’ombre, veilleuse de foi et d’identité. Là, à la lisière du village de Khazroun, loin des fracas du monde, l’islam a gravé dans la pierre les versets de la permanence.
Construite au XIVᵉ siècle (VIIIᵉ de l’Hégire), cette mosquée rurale fut d’abord ibadite, avant d’être rattachée au rite malikite. Mais elle n’a jamais été qu’une simple mosquée : elle fut école, fortin, grenier, refuge, et parfois même, bastion de la résistance contre l’oubli.
Une architecture du silence et de la vigilance
Fadhloun frappe par sa non-symétrie voulue, par l’éclatement subtil de ses volumes. Elle semble bâtie au gré du vent et des nécessités, mais en vérité, elle obéit à une esthétique de l’humilité, de la fonction, et de l’ancrage. Elle n’est ni massive ni majestueuse. Elle est présente — comme un dhikr murmurant sous les coupoles.
Sa salle de prière, sobre et fraîche, est ceinte de murs blanchis à la chaux, percés de rares ouvertures par lesquelles la lumière entre avec parcimonie, comme par pudeur. Son mihrab, discret, regarde vers l’est, là où s’étire la mer, rappelant les ancres perdues et les caravanes passées.
Mais au-delà du spirituel, Fadhloun est une mosquée du quotidien : autour d’elle, un kuttâb pour les enfants du Coran, un moulin à grains, une boulangerie souterraine, deux citernes d’eau de pluie et un espace d’ablution en font un centre de vie complet. La prière n’y est pas isolée de l’acte de vivre ; elle y est, au contraire, son noyau invisible.

Un rempart de foi dans un temps d’incertitude
À quelques encablures de la côte, la mosquée Fadhloun faisait partie d’un réseau défensif tissé par les anciens : tours de guet, ribats, zawiyas, formant un chapelet de veille autour de l’île. Les murs épais de la mosquée, les meurtrières, les toits plats propices à la surveillance, en font une forteresse de la prière, un bastion de lumière dans l’obscurité des menaces.
Elle n’était pas seulement un lieu de prosternation, mais aussi de rassemblement, d’enseignement, d’organisation collective. En cela, Fadhloun incarne l’islam djerbien dans sa plus noble expression : sobre, enraciné, solidaire, savant.

Un équilibre entre ciel et terre bâtie de pierres
À Fadhloun, rien ne crie, tout médite. Les coupoles — petites et inégales — ne cherchent pas le ciel, mais l’intègrent. Les murs ne dominent pas l’homme, ils l’épousent. Le sol, calcaire et chaud, garde la trace des pas comme d’une prière silencieuse. Et les vents du large, en passant sur les murs, semblent réciter un verset oublié.
Fadhloun n’est pas un monument figé. Elle respire encore. Par les gestes des fidèles, par les restaurations respectueuses, par les visites des curieux touchés par sa paix. Elle est le souvenir vivant d’un islam enraciné dans la pierre, le pain et la parole.

*article paru dans le n°59 de notre magazine Iqra.
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