Dans le sud du Liban, là où la terre se fond dans l’immensité du ciel, repose un lieu dont les pierres chuchotent encore les prières des siècles. Le maqâm de Chamoun El Safa, situé dans le paisible village de Chamaa, incarne bien plus qu’un simple mausolée : il est la mémoire vivante d’une foi partagée, d’une rencontre entre traditions, et d’un silence mystique interrompu par le fracas des guerres.
Dans les récits populaires, ce sanctuaire est lié à l’apôtre Simon Pierre, le roc sur lequel l’Église chrétienne fut bâtie. Ce n’est pas à Rome, sous les fastes de la basilique Saint-Pierre, mais ici, au cœur de la douceur rugueuse du Sud libanais, que certains croyants voient la présence éternelle de celui qu’ils appellent « Sham’un as-Safa ». La simplicité des lieux, loin des ors du Vatican, nourrit l’âme d’une spiritualité brute, celle qui jaillit de l’humus et des étoiles.
Ce maqâm, vénéré aussi bien par les chrétiens que par les musulmans, est un témoignage unique de l’entrelacs des cultures et des confessions.
Les habitants de Chamaa et d’ailleurs viennent y déposer leurs espoirs, invoquant le saint pour la guérison, la paix ou la force, face aux épreuves. Les coupoles blanches du mausolée, caressées par le vent du sud, semblaient converser avec le divin. Mais aujourd’hui, ces voix sont réduites à des murmures. dévotion des Égyptiens envers la descendance du Prophète, SAWS, faisant de cet édifice un lieu sacré empreint d’histoire.
Il y a quelques mois, les bombes ont parlé. Dans une indifférence presque universelle, deux des coupoles de ce sanctuaire ont été détruites lors de bombardements israéliens. L’attaque n’a pas seulement frappé des murs, mais une part essentielle de l’histoire commune des hommes.
Chaque pierre brisée, chaque fissure dans les fondations raconte la fragilité des liens entre les communautés et la violence d’un monde qui oublie trop souvent la valeur du sacré.
Les ruines de Chamaa ne sont pas seulement celles d’un lieu de culte ; elles sont aussi celles d’une humanité déchirée. Pourtant, dans ce chaos, une lumière subsiste. Elle réside dans les prières des croyants, dans la ténacité des villageois qui refusent l’effacement. Car Chamaa n’est pas qu’un lieu ; il est une idée, un espoir. Celui que des traditions millénaires peuvent coexister, que l’harmonie entre les confessions n’est pas un rêve lointain mais une réalité fragile qu’il faut protéger.
Nour Farra-Haddad, dans son ouvrage Sud Liban, Terre Sainte : des lieux de pèlerinages bibliques en quête de reconnaissance, restitue avec délicatesse l’histoire de ces lieux oubliés. Elle évoque le maqâm de Sham’un as-Safa comme une terre où le dialogue entre les croyances est possible, où les pas des pèlerins tracent des ponts invisibles entre hier et aujourd’hui.
Face aux ruines, la mémoire collective se dresse comme un défi au temps. Que cette destruction devienne un cri, un appel à ne pas oublier.
Car, comme l’écrivait Amin Maalouf, « ce qui fait l’humanité des hommes, c’est leur capacité à transformer les blessures en chants d’espérance ». Alors, Chamaa, dans sa douleur et sa dignité, nous enseigne encore. Elle rappelle qu’entre les pierres et les cendres, il est toujours possible de reconstruire, non seulement des murs, mais aussi des liens.
*Article paru dans le n°42 de notre magazine Iqra.
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