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Lumière et lieux saints de l'Islam, à la découverte des mosquées du monde (n°42) - La mosquée Ahmed Ibn Touloun : une épopée d'éternité



Dans le cœur vibrant du Caire, où les siècles se croisent en un murmure d’épopées, se dresse la mosquée Ahmed Ibn Touloun. Plus qu’un édifice, elle est une œuvre magistrale où la foi et l’art s’enlacent, un sanctuaire qui traverse les âges avec la dignité des monuments éternels. Sur ses pierres usées par les vents du désert et les prières des fidèles, l’histoire du monde musulman a laissé son empreinte.


Lorsque Ahmed Ibn Touloun, un gouverneur devenu bâtisseur de rêves, posa les premières pierres de cet édifice en 877, il ne construisait pas seulement une mosquée, mais une idée. Celle d’une Égypte islamique indépendante, lumineuse, et fière de son identité. À l’époque, le gouverneur régnait sur une terre encore marquée par les tumultes des dynasties passées. Il fonda Al-Qata’i, une capitale surgie des plaines comme un mirage, dont la mosquée serait le cœur battant.


Une architecture aux confins du sacré et de la majesté


Installée sur la colline de Djebel Yachkour, un lieu entouré de légendes – certains y voient le repos de l’arche de Noé – la mosquée Ahmed Ibn Touloun est l’un des rares joyaux de l’époque toulounide encore debout. Conçue par Saïd Ibn Thabet, un ingénieur chrétien, elle reflète une rencontre rare entre la science et la spiritualité, entre la précision humaine et l’élévation divine. Avec ses briques réfractaires, ses vastes arcades et son célèbre minaret en spirale, elle évoque à la fois la robustesse et la légèreté, l’éphémère et l’éternel.


La cour intérieure, un carré parfait de silence, accueille le visiteur avec une sérénité intemporelle. Au centre, une coupole veille sur le bassin d’ablutions, symbole de purification et de renouveau. Les portiques environnants, alignés comme une armée de colonnes, racontent à leur manière l’ordre et la discipline d’un monde façonné par le divin. Mais c’est le minaret qui capte tous les regards, son ascension en spirale invitant les âmes à monter, comme des prières, vers le ciel infini.


Un trésor façonné dans l’épreuve


On raconte qu’Ahmed Ibn Touloun fit construire cette mosquée avec les richesses d’un trésor découvert, affirmant qu’il était destiné à une œuvre pieuse. Ce geste, empreint de piété et d’ambition, symbolise la vision d’un homme pour qui gouverner ne se limitait pas au pouvoir, mais au service d’un idéal. La mosquée, avec son coût monumental de 120 000 dinars, devint un symbole d’une Égypte non plus, simple province abbasside, mais nation autonome et rayonnante.


Les murs de la mosquée sont empreints d’une sobriété éloquente. Contrairement à la surcharge décorative de certains édifices islamiques postérieurs, Ahmed Ibn Touloun privilégia une beauté austère, presque mystique. Chaque détail architectural, chaque courbe, chaque ornement porte l’empreinte de Samarra, rappelant les racines irakiennes de son fondateur. Ici, l’art raconte une histoire, celle d’un peuple à la croisée des cultures et des influences, façonnant son identité avec élégance et force.



Un héritage à préserver


Aujourd’hui, la mosquée Ahmed Ibn Touloun n’est pas seulement un monument historique ; elle est un témoin vivant d’une civilisation. Les fidèles s’y rassemblent encore, leurs prières se mêlant aux ombres des siècles passés. L’image de la mosquée, gravée sur les billets de cinq livres égyptiennes, rappelle à tous son importance dans la mémoire collective.


Pourtant, comme tant d’autres trésors du patrimoine islamique, elle est fragile. Les guerres, l’urbanisation et le temps menacent de l’effacer. Mais tant qu’elle se dresse, fière et majestueuse, elle nous rappelle que la foi, comme l’art, transcende les époques et les épreuves.


Dans l’immensité silencieuse de ses arcades, une vérité résonne : chaque pierre, chaque colonne, chaque coupole raconte non seulement l’histoire d’un homme, Ahmed Ibn Touloun, mais celle d’une nation qui a su élever son âme vers le ciel. En ces murs, l’écho des siècles continue de vibrer, un appel à ne jamais oublier la beauté, la foi, et la grandeur de l’humanité.




*Article paru dans le n°43 de notre magazine Iqra.



 

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