Sous le ciel azur de Touggourt, bercée par les vents du désert et le murmure des palmeraies, s’élève majestueusement Djamaa El-Kébir, aussi connu sous le nom de Djamaa El-Atiq, une mosquée antique qui incarne à elle seule la mémoire spirituelle et historique de la région. Nichée au cœur du ksar de Mestawa, au centre de cette ancienne oasis, elle veille sur les âmes et les pierres depuis plus de deux siècles, telle une sentinelle éternelle du culte musulman et du savoir sacré.
Construite en l’an 1220 de l’hégire (1805), sous l’égide du sultan Ibrahim ben Mohammed ben Djellab, figure éminente de la dynastie des Béni-Djellaba, cette mosquée est bien plus qu’un lieu de prière. Elle est un témoignage vivant du royaume des Béni-Djellab, dont l’influence s’étendait autrefois du nord de la région d'Ouled Djellal jusqu’au Chott Djérid en Tunisie, couvrant les vastes étendues désertiques de l’Oued-Souf et de Ouargla. Ses fondations portent en elles l’héritage de la lignée mérinide, imprégnée d’un savoir ancien et d’un attachement indéfectible à la foi musulmane.
Djamaa El-Kébir s’impose par son architecture unique et son allure sobre mais imposante. Dès l’entrée, le visiteur est accueilli par une vaste cour ceinte d’arcades élégantes, qui rappellent les médersas anciennes où résonnait autrefois le chant sacré du Coran. Au centre de cette cour, une fontaine murmure doucement, symbole de purification avant l'entrée dans la salle de prière, une oasis au cœur de l’oasis. Flanquée d’une grande coupole verte et d’un minaret carré, cette mosquée raconte à chaque pierre, à chaque détail, des siècles d’histoire et de spiritualité.
Sous la coupole, la salle de prière s’étend, vaste et paisible, baignée de lumière naturelle filtrant à travers les ouvertures. Le mihrab, lieu sacré orienté vers la Kaaba, est orné de délicates sculptures en plâtre, témoignant du savoir-faire des artisans tunisiens et locaux qui ont, sous la direction d’Ibrahim II Ben Djellab, restauré ce lieu sacré en 1250 de l’hégire. Des dizaines de piliers et de voûtes, solidement dressés, soutiennent cette nef dédiée à la dévotion et à la contemplation.
Sur une ancienne plaque de marbre blanc, à l'entrée de la salle de prière, est gravée l’inscription qui consacre cet édifice au sultan Ibrahim Ben Djellab.
À travers ces mots inscrits avec soin, la gloire passée des Béni-Djellab résonne encore aujourd’hui, et le souffle de l’histoire semble habiter chaque recoin de cet édifice.
Mais Djamaa El-Kébir n’a pas seulement été un lieu de prière ; elle fut autrefois une école où l’on enseignait les sciences islamiques. Le Saint Coran, la Sunna, et le Fiqh étaient transmis aux jeunes générations sous la tutelle de grands savants et chouyoukh locaux comme Mohamed Ben Abdelkrim, Mohamed Ben Brahim El-Fassi, ou encore El-hadj Adamou. Ce lieu sacré a vu passer des figures religieuses de renom telles que Cheikh Abdelhamid Ben Badis et Mohamed El-Bachir El-Ibrahimi, des pionniers du renouveau islamique en Algérie, qui y trouvèrent refuge pour méditer, enseigner, et inspirer.
Aujourd’hui, bien que les murs de la mosquée montrent les signes du temps, des efforts sont déployés pour préserver ce trésor architectural et spirituel. Des opérations de restauration d’urgence ont été inscrites dans les programmes de sauvegarde du patrimoine, visant à préserver l’intégrité de cet édifice menacé par les dégradations du temps.
Ce monument ne se dresse pas uniquement comme un lieu de culte, mais comme un phare de l’histoire saharienne, un témoignage précieux du passé glorieux de Touggourt et de l’influence de la dynastie des Béni-Djellab. Parmi les nombreux sites archéologiques et monuments historiques que compte la wilaya d'Ouargla, Djamaa El-Kébir demeure l'un des joyaux les plus précieux, inscrit dans l'âme des habitants et dans les récits du désert.
À l’ombre de ses arcades, le souffle du désert semble encore résonner avec la voix des fidèles, et le temps semble s’arrêter, laissant place à la foi et à la mémoire d’une grandeur passée. Djamaa El-Kébir n’est pas simplement une mosquée ; elle est le miroir du désert, le reflet de l’histoire, et l’écho de la foi éternelle.
*Article paru dans le n°32 de notre magazine Iqra.
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