D'après Ibn Abbas, qu'Allah soit satisfait de lui, le Messager d'Allah (que la paix et les bénédictions soient sur lui et sur sa famille) s'adressa à la Mecque en ces termes :
« Que tu es pure comme cité, et que tu es aimée de mon cœur ! Si ce n’était pas que ton peuple m’avait expulsé, je n’aurais jamais habité ailleurs qu’en toi. »
Rapporté par At-Tirmidhi, qui a qualifié le hadith de « bon et authentique »
Ce hadith, s’il témoigne de quelque chose, c’est bien de l’amour du Prophète ﷺ pour sa patrie, un sentiment naturel ancré dans le cœur de chaque être humain. Cet amour se manifeste de manière éclatante dans la vie du Prophète ﷺ, où il exprime son attachement profond à sa terre natale, la Mecque, en dépit des épreuves et persécutions qu'il y a subies. À travers ce hadith, il décrit la beauté et la grandeur de sa ville, en disant : « Que tu es pure comme cité et que tu es aimée de mon cœur ! » Ce qui montre que la Mecque jouit d’une pureté, d’une noblesse et d’une beauté tant matérielle que spirituelle. En effet, c’est le lieu de sa naissance, le sol béni d’où la Révélation a émané, et le berceau de la mission prophétique.
Quant à ses paroles : « Si ce n’était pas que ton peuple m’avait expulsé, je n’aurais jamais habité ailleurs qu’en toi », elles traduisent son immense tristesse d’avoir été contraint de quitter la Mecque, un départ forcé par les circonstances et l’hostilité de son propre peuple. Ce passage évoque l’Hégire, un acte que le Prophète ﷺ a dû entreprendre à cause des persécutions de Quraysh, qui l’ont poussé, lui et ses compagnons, à quitter leur terre bien-aimée. Cependant, malgré tout, le Prophète ﷺ reste attaché à la Mecque, affirmant qu’il n’aurait jamais choisi d’autre lieu pour y résider, s'il n'avait pas été forcé.
La question qui se pose alors est la suivante : Pourquoi le Prophète ﷺ n’est-il pas retourné à la Mecque après avoir établi son État à Médine ?
La réponse relève de plusieurs raisons que nous pouvons résumer comme suit :
Après l’Hégire, Médine est devenue le centre de l'État islamique et a constitué le point d'ancrage essentiel qu'on ne pouvait abandonner. Quant à ce hadith que nous expliquons, le Prophète ﷺ l’a prononcé lors de sa sortie de La Mecque, avant son arrivée à Médine. Mais après s’y être établi, la situation a changé, et la ville de Médine s’est distinguée par des vertus et des qualités surpassant celles des autres villes et contrées. Comme l’a dit le Prophète ﷺ : « Ô Seigneur ! Mets sur Médine le double de ce que Tu as mis sur La Mecque en bénédictions » [Rapporté par al-Bukhari], et il a également dit : « Ô Seigneur ! Mets dans nos cœurs l’amour de Médine comme l’amour que nous portons à La Mecque, ou même plus fort encore » [Rapporté par al-Bukhari].
Le Prophète ﷺ voulait clarifier que le lien fondamental dans l’Islam est celui de la foi et de la croyance, et non celui du sang ou de la tribu. S’il était revenu à La Mecque, on aurait pu dire qu’il y retournait par attachement tribal. Mais son maintien à Médine a démontré que les musulmans sont frères par la foi, comme l’atteste le noble Coran dans Sa Parole : « Les croyants ne sont que des frères » [Sourate al-Houjourat : 10].
Le soutien des Médinois au Prophète ﷺ : Les habitants de Médine ont accueilli et soutenu le Prophète ﷺ, offrant tout ce qu’ils avaient pour protéger et consolider l’Islam. C'est pour cette raison qu’ils méritent l’éloge de Dieu, qui dit : « Ceux qui, avant eux, se sont installés dans le pays et dans la foi, aiment ceux qui émigrent vers eux » [Sourate al-Hashr : 9]. Le Prophète ﷺ est resté à Médine en reconnaissance de leur soutien et de leurs sacrifices. Il leur a même promis de rester avec eux lorsqu'ils craignaient qu'il ne retourne à La Mecque après sa conquête. Il les a rassurés en leur disant : « Ma vie est avec vous et ma mort est parmi vous. Je suis des vôtres et vous êtes de moi. » Abû Hourayrah rapporte que les Ansars se sont alors approchés du Prophète ﷺ en pleurant, en disant : « Par Dieu, Ô Messager de Dieu ! Ce que nous avons dit, nous l’avons dit uniquement parce que nous cherchons l’agrément de Dieu et de Son Messager. Nous voulons que tu restes avec nous, Ô Messager d’Allah. » Les Ansars, qu’Allah les agrée, ont une valeur très élevée dans l’Islam. Ils ont donné beaucoup et n'ont rien demandé en retour, ni durant la période mecquoise après le serment d’allégeance, ni durant la période médinoise. C'est pourquoi le Prophète ﷺ les a honorés par des paroles majestueuses, en disant : « Le signe de la foi est l'amour des Ansars, et le signe de l'hypocrisie est la haine des Ansars. »
Ce hadith illustre également la souffrance des émigrés forcés de quitter leurs patries en raison de circonstances oppressives, telles que les guerres ou les persécutions. À notre époque, nous sommes témoins de nombreuses crises humanitaires qui contraignent les individus à quitter leurs terres natales en quête de sécurité et de stabilité. Cependant, ces derniers demeurent profondément attachés à leurs pays, porteurs dans leurs cœurs de nostalgie et de loyauté.
Le Prophète ﷺ était prêt à demeurer à La Mecque malgré toutes les difficultés. De nos jours, nous voyons de nombreux exemples de personnes qui se sacrifient pour leurs patries, soit en les défendant en temps de guerre, soit en contribuant à leur édification en temps de paix. L'amour du pays ne se limite pas aux sentiments ; il implique un engagement concret pour œuvrer à son développement et à sa prospérité.
L’Hégire prophétique a été motivée par l'injustice et la persécution que le Prophète ﷺ et ses compagnons ont subies à La Mecque. Cela nous amène à la notion de liberté et de dignité. L'homme doit se sentir en sécurité dans sa patrie et y être traité avec justice et honneur. Si cette sécurité lui est retirée, il peut se voir contraint de chercher un autre lieu qui lui garantisse ses droits et libertés. Ainsi, l'amour du pays n'est nullement incompatible avec la quête de justice et de liberté.
*Article paru dans le n°36 de notre magazine Iqra.
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