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Le billet du Recteur (n°40) - Discrimination invisible : quand le droit se dresse face à l’arbitraire

Il fut un temps, au début des années 2000, où l’expression « délit de faciès » était sur toutes les lèvres. La vague d’émeutes de 2005 dans les banlieues françaises en a fait un terme omniprésent, dénonçant des pratiques policières basées sur l’apparence physique, principalement dans les quartiers populaires. Depuis, ce terme s’est progressivement éclipsé de la scène médiatique et politique, cédant la place à des débats focalisés sur la supposée compatibilité entre l’islam et la République. Cela signifie-t-il pour autant que le délit de faciès et la haine et les discriminations antimusulmanes ont disparu ? Ce faux débat, qui questionne la compatibilité de l’islam avec les valeurs républicaines – voire, pour certains, avec le sens même d’humanité – a-t-il permis d’éradiquer ces discriminations ? Bien au contraire : elles semblent avoir évolué vers des formes plus insidieuses, moins visibles, mais tout aussi pernicieuses.


Si l’on se fie au rapport de la FRA, intitulé « Être musulman dans l’UE », publié en 2022, on constate que le racisme et les discriminations restent des réalités quotidiennes pour de nombreux musulmans. La troisième enquête de l’agence européenne montre que, depuis 2016, le racisme antimusulman a même augmenté dans divers domaines de la vie sociale, comme l’emploi et le logement. Près d’un musulman sur deux, soit 47 %, rapporte être victime de discrimination raciale, une hausse notable par rapport aux 39 % enregistrés en 2016. Certains pays européens, tels que l’Autriche, l’Allemagne et la Finlande, affichent des taux alarmants, culminant respectivement à 71 %, 68 % et 63 %.


En France, Jacques Toubon, alors Défenseur des droits, avait également souligné l’ampleur du problème. Dans un rapport publié en juin 2020, peu avant la fin de son mandat, il dénonçait un « déni politique » face aux discriminations d’origine, accentué par une réticence à mesurer et à agir sur ces inégalités. Pour Toubon, ces discriminations sont devenues systémiques, se nourrissant de stéréotypes et de préjugés enracinés dans la société. Ce rapport faisait état d’une réalité que les décideurs politiques avaient tendance à minimiser ou ignorer, selon lui, par manque de volonté politique.


Le quotidien de nombreuses personnes en France est jalonné de ces expériences. Des milliers de témoignages attestent de la persistance du délit de faciès. En 2022, Me Simon Takoudju, un avocat bordelais métis, relatait, dans un témoignage poignant, son ras-le-bol face aux contrôles d’identité répétés qu’il subissait en raison de son apparence physique. Quarante-cinq minutes, un costume et une carte professionnelle n’auront pas suffi à dissiper les doutes des policiers, « parce qu’on ne sait pas à qui on a affaire ». Des récits comme le sien se comptent par milliers, et ils rappellent que ces pratiques discriminatoires continuent d’empoisonner le quotidien de nombreux citoyens.


Ce phénomène est d’autant plus insidieux pour la jeunesse, qui se heurte souvent à une police en mal de moyens, mais sous pression pour des résultats immédiats. Dans un livre édifiant, un ancien policier, Sylvain Le Bail, analyse comment la baisse des effectifs, la politique du chiffre et la culture du résultat ont contribué à multiplier les contrôles d’identité, ciblant principalement les minorités visibles. Il avance l’idée que le racisme au sein des forces de l’ordre serait une conséquence de politiques sécuritaires inefficaces et fragmentées. Certains pourraient juger ces propos comme une énième plainte, un discours lassant qui nous ramènerait à un statut de victime perpétuelle. Mais, pour moi, cette vision est injuste et fondamentalement erronée.


J’ai souvent entendu cet argument, murmuré ou crié, selon lequel dénoncer ces discriminations reviendrait à s’enfermer dans une posture victimaire. Il s’agirait, selon cette logique simpliste, d’une litanie vaine, d’une lamentation obstinée qui ne ferait que raviver des blessures anciennes, un caprice érigé en obsession. Je rejette catégoriquement cette interprétation.


Mais ce n’est pas le cœur de mon propos, qui repose sur un fait précis, un cas d’une portée singulière : cette semaine, un jugement significatif a été rendu, attestant que le droit reste une arme puissante contre l’arbitraire. Le cas de M. B., un candidat rejeté dans la police nationale pour une marque sur le front, est éloquent. Cette marque, résultant d’une pratique religieuse personnelle, avait été interprétée comme un « repli identitaire ». Cependant, la Cour administrative d’appel de Paris a rendu un jugement en sa faveur en octobre 2024, affirmant que cette trace n’avait aucun caractère ostentatoire et ne menaçait en rien la neutralité de la fonction publique. Ce n’est pas un cas isolé.


Deux ans auparavant, en juin 2021, la justice avait déjà rendu un jugement historique dans l’affaire des lycéens d’Épinay-sur-Seine. Ces jeunes, de retour d’un voyage scolaire, avaient été soumis à des contrôles d’identité discriminatoires en gare du Nord. Après avoir été déboutés en première instance, ils avaient finalement obtenu réparation de la Cour d’appel de Paris, l’État étant condamné pour « faute lourde ». « Mon père me disait que c'était impossible de gagner contre l'État », déclarait Zakaria, l’un des jeunes plaignants. Cette victoire juridique illustre que le droit peut rétablir les vérités et que la République protège aussi ceux qui osent défendre leur dignité.


Ces deux jugements nous offrent deux enseignements cruciaux. Le premier est pour la France elle-même : elle demeure un État de droit pour chacun de ses citoyens, quelles que soient leurs différences. Nos responsables politiques devraient méditer cet impératif, car le droit est l’une des assises fondamentales de la République. Le second enseignement s’adresse à ceux qui souffrent de discrimination : le droit est votre meilleure arme. Face à une société parfois hostile, il offre un cadre légal qui vous reconnaît pleinement comme citoyens français, peu importe le climat ambiant.


Les discriminations raciales et religieuses, bien que moins visibles dans le discours public, restent bien présentes. Le droit, lui, demeure un rempart efficace pour ceux qui osent se battre. Aux discriminés, ce message : au lieu de céder au ressentiment ou de s’engager dans des formes de protestation contre-productives, saisissez cette arme qu’est la justice et faites-en le levier de votre citoyenneté. La République, pour être fidèle à elle-même, doit garantir à chacun la jouissance de ses droits, sans discrimination.


Une dernière interrogation : la haine et les discriminations musulmanes contemporaines ne seraient-elles pas la prolongation de certaines dynamiques héritées du colonialisme? Il est patent que les stéréotypes négatifs sur les musulmans, renforcés par des représentations médiatiques et culturelles, trouvent leurs racines dans ces perceptions colonialistes. Ces images continuent d'affecter les attitudes contemporaines envers les musulmans. Les conflits géopolitiques, notamment au Moyen-Orient, alimentent ces sentiments en Occident. La représentation des musulmans comme étant le « corps étranger inassimilable » dans les discours politiques renforce des attitudes hostiles.


La haine et les discriminations sont un phénomène complexe alimenté par des racines historiques, mais également par des contextes sociopolitiques d’aujourd’hui. La lutte contre ces discriminations nécessite une compréhension approfondie de ces dynamiques passées et contemporaines pour construire un avenir plus inclusif.



À Paris, le 19 novembre 2024


Chems-eddine Hafiz

Recteur de la Grande Mosquée de Paris



 



 

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1 Comment


bonnot2
Nov 20

Mes respects Mr le Grand Recteur :

je suis chretienne

voys devez ( essayer de) comprendre qu' une des missions cruciale de nos forces de police Républicaine ( et que l on retrouve dans TOUTES les series policières à la tele) est l ELUCIDATION descrimes et délits...Une simple consultation des statistiques de notre Min. de la Justice vouq démontrera qu 'alors que nos communautés extraeurop. ne repres. que moins de 10% des residants en France, elles comptent pour pres de 25% de nos places de prison... Donc ces communautés, majorit. musulmanes sont donc FACTUELLEMENT 2 à 3 fois plus délinquantes que les "Français de souche"...

Par consequent, quand sur un quai de gare de banlieue bondé, qqn crie "au voleur,…


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