Le croissant lunaire a traversé le ciel endeuillé de Ghaza, apportant avec lui le mois béni de Ramadhan, ce temps sacré où le corps s’efface pour exalter l’âme, où le jeûne purifie l’être et raffermit la foi. Partout dans le monde, les musulmans se rassemblent dans la ferveur de cette période, mais à Ghaza, cette communion avec le divin prend une dimension héroïque. Car ici, chaque rupture du jeûne se fait sur des décombres, chaque prière s’élève entre les gravats, et chaque jour est une lutte pour la simple survie.
Au milieu des vestiges d’un foyer jadis chaleureux, l’habitant de Ghaza ne renonce ni à sa terre ni à sa foi. Il revient, chaque soir, parmi les ruines de sa maison détruite, étend une natte sur le sol poussiéreux, et partage avec les siens les quelques bouchées qui lui restent. Loin des tables abondantes des grandes métropoles, l’iftar ghazaoui est une offrande d’endurance et de dignité. Une datte, un morceau de pain, un verre d’eau puisé dans le dénuement, et pourtant, un cœur débordant de gratitude.
À Rafah, dans le quartier martyr de Chajaya, ou encore aux abords de l’hôpital Kamal Adwan, des scènes poignantes se répètent : des centaines de Palestiniens se réunissent pour un repas collectif, non plus sous la lueur chaleureuse des lampes familiales, mais sous les étoiles témoins de leur exil forcé. Dans une autre image bouleversante, des familles de Khan Younès s’attablent sur les gravats de leur maison, non pour céder à la fatalité, mais pour affirmer qu’elles sont là, debout, enracinées, inébranlables.
Malgré la douleur, malgré l’oppression, le mesaharati parcourt encore les ruelles meurtries avant l’aube, frappant sur son tambour et appelant les âmes endormies au dernier repas avant le jour naissant. Son chant, autrefois joyeux, semble aujourd’hui empreint d’une tristesse contenue, mais il persiste, rappelant que la vie, tant qu’elle palpite, est une résistance.
Et que dire de ces lanternes suspendues aux rares murs encore debout ? De ces fresques enfantines peintes sur des façades à moitié effondrées ? Dans ce décor de cendres, les Ghazaouis s’acharnent à insuffler un souffle de beauté, une étincelle d’espoir, une lueur de normalité dans une existence bouleversée par la guerre.
Car si la violence a tenté d’éteindre leur monde, elle n’a jamais pu éteindre leur âme.
Ramadhan, à Ghaza, n’est pas seulement un mois de prière et d’abstinence, c’est l’expression ultime d’une résistance silencieuse mais éclatante. C’est un cri d’amour à la vie, une promesse faite au ciel, un serment que rien, ni l’injustice ni la force brutale, ne pourra jamais arracher à ces cœurs indomptables.
Et alors que l’humanité regarde, souvent en silence, ceux qui portent sur leurs épaules l’une des épreuves les plus cruelles de notre époque, il nous revient d’apprendre d’eux : apprendre la patience, la gratitude, et cette force extraordinaire qui transforme la privation en lumière et le chagrin en prière.
Que ce mois sacré, même sous les bombes, soit pour eux une bénédiction. Que leurs prières, élevées parmi les ruines, soient exaucées. Et que leur courage, inlassable et noble, continue d’inspirer le monde.
*Article paru dans le n°55 de notre magazine Iqra.
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