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Focus sur une actualité (n°41) - Colombie et États-Unis : un bras de fer diplomatique aux multiples enjeux



Le récent affrontement diplomatique entre Donald Trump et Gustavo Petro, sur fond de crise migratoire, a fait couler beaucoup d’encre. Les titres des journaux internationaux ont largement rapporté que la Colombie avait « cédé » aux exigences de l'administration Trump. Mais une analyse plus nuancée de cet épisode permet de révéler une réalité bien plus complexe, où se mêlent pragmatisme diplomatique, pressions économiques et considérations humanitaires.


Un rapport de force inégal


D'un côté, Donald Trump, président des États-Unis, n'a pas caché son objectif de mettre en œuvre « le plus grand programme d'expulsions de l'histoire américaine ». Avec une rhétorique musclée, il a menacé Bogota de droits de douane de 25 %, puis de 50 %, sur les produits colombiens, en plus de sanctions bancaires et de la suspension des visas pour les responsables gouvernementaux. Ces mesures étaient présentées comme une réponse directe au refus de la Colombie d’accueillir des migrants expulsés par vols militaires.


Pour Washington, le message était clair : toute résistance à leurs politiques migratoires serait lourdement sanctionnée. De l’autre côté, Gustavo Petro, président de gauche de la Colombie, a tenté de résister en dénonçant la déshumanisation des migrants. Sur la plateforme X, il a rappelé « qu’un migrant n’est pas un criminel et doit être traité avec la dignité qu’un être humain mérite ». Petro a aussi pris la décision hautement symbolique de refuser l’entrée sur le territoire colombien des avions militaires américains transportant des migrants expulsés. Ce geste a provoqué une escalade des tensions, mais il a aussi montré la volonté de la Colombie de ne pas se plier à une logique déshumanisante.


Une concession ou un compromis ?


Malgré les récits précipités de nombreux observateurs, il est réducteur de dire que la Colombie a « plié » face à Washington. Certes, Bogota a accepté de recevoir les migrants expulsés, y compris dans des avions militaires. Mais cette acceptation a été accompagnée d'une mise en scène diplomatique visant à rétablir une forme de dignité. En déployant l’avion présidentiel pour rapatrier ses ressortissants, Gustavo Petro a cherché à reprendre le contrôle narratif sur cette crise, en affirmant que les migrants seraient accueillis «dans le respect de leur dignité ».


Ce compromis témoigne surtout des contraintes économiques et politiques auxquelles Bogota fait face. L’économie colombienne est étroitement liée à celle des États-Unis, principal partenaire commercial du pays. La menace de droits de douane aurait eu des conséquences désastreuses sur plusieurs secteurs clés, notamment l’agriculture et l’industrie. De plus, l’équilibre diplomatique fragile dans la région oblige la Colombie à manœuvrer avec prudence, pour éviter un isolement sur la scène internationale.


L’oubli des droits humains


Cependant, ce bras de fer diplomatique met en lumière une question plus fondamentale : la dignité des migrants eux-mêmes. Les témoignages rapportés dans d’autres pays, comme le Brésil ou le Guatemala, soulignent des traitements inhumains. Migrants pieds et poings liés, sans accès aux toilettes, sans eau potable… Ces pratiques, indignes de toute nation prétendant défendre les droits humains, ont été peu discutées dans les grands titres.


Les droits humains semblent avoir été relégués au second plan, éclipsés par un récit focalisé sur le « combat de gros bras » entre Trump et Petro. Or, les véritables victimes de cette crise sont ces hommes, femmes et enfants transportés dans des conditions dégradantes. Leur dignité, piétinée par des politiques migratoires brutales, mériterait une attention bien plus grande.


Une presse complice ?


La couverture médiatique de cet épisode soulève une interrogation essentielle : pourquoi les médias se focalisent-ils davantage sur les enjeux de pouvoir entre dirigeants, que sur les violations des droits humains qu’ils orchestrent ou tolèrent ? En mettant en avant le duel entre Trump et Petro, les grands titres occultent les conséquences concrètes pour des milliers de personnes vulnérables. Ne serait-il pas temps de replacer les migrants au centre du débat, non pas comme des objets de négociations, mais comme des sujets de droits ?



*Article paru dans le n°50 de notre magazine Iqra.



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